A propos de l’école de Bioule – C’est la rentrée des classes !!
Ah ! Que je suis content de vous retrouver mes petits amis ! Je commençais à me sentir bien seul sur mon chemin de ronde… Rien ! Le désert ! Personne… si ce n’est quelques visiteurs attentifs venus voir votre château… Je me suis souvent endormi en écoutant le roucoulement des pigeons et le ronronnement des deux turbines, pendant ces après–midi torrides que rafraîchissait cependant le canal de dérivation du moulin…
Aujourd’hui, je suis heureux de voir et d’entendre que vos retrouvailles ont été joyeuses et bruyantes : il n’y a qu’à vous écouter pendant les récréations ! Ah ! Justement ! Parlons-en des récréations… Figurez-vous que, si vous le voulez, bien sur, je peux vous les faire rallonger ces moments de détente… si, si ! … Voilà ce qu’il s’est passé il y a une quinzaine de jours : vous connaissez mon ami le clocheton, il est tout là-haut sur la tourelle, c’est lui le Maître du temps, je vous en ai parlé la dernière fois, eh bien le clocheton s’est arrêté de sonner les heures, de faire son travail.
Pour ainsi dire,
– « Grève générale », m’a-t-il dit de façon péremptoire qui n’admettait aucune discussion.
– « Ah bon ! Et pour quelle raison ? »
– « Parce que je suis vieux, tout rouillé de partout, plein de rhumatismes et, de plus, personne ne m’écoute ! »
J’en suis resté bouche bée et la seconde de stupeur passée, je me suis ressaisi car je ne pouvais imaginer un seul instant, rester seul, en tête à tête, avec cet arrogant de coq… Eh oui ! Nous ne sommes que 3 à vivre en permanence au château, quand vous n’êtes pas là, mes chers amis !
Comme je sais que le clocheton aime les flatteries, je lui ai dit qu’il était indispensable à la vie du village, que, sans lui, nous allions être tous, « tout distirbulés », désemparés ; l’existence serait impossible .. Bref ! …
Je lui ai promis qu’on allait le soulager pour ses rhumatismes, lui mettre de l’huile dans les rouages et du dégrippant dans ses ressorts … de bons médicaments … quoi, voyez vous !
Mes arguments ont semblé le convaincre. Mais tout à coup, il me dit :
– « Je ne veux plus que les pigeons virevoltent autour de moi, se posent sur mes structures et me salissent de leurs fientes en se moquant de moi ! … »
Ah ! Diable ! Me voilà bien ennuyé !!! Que répondre à une telle objection ainsi argumentée ? La nature est venue à mon secours. La nature, vous savez, les enfants, vous vous en apercevrez tout au long de votre vie ; la nature, dis-je, fait bien les choses …
Tout à coup, le vent s’est levé, un vent soutenu, et régulier tout là-haut, la girouette s’est mise à grincer, à « couiner » comme on dit chez nous ! et le coq suivit le mouvement, il tremblait, majestueux comme à l’accoutumée.
Une idée m’est venue en tête : et si on se servait de cet emplumé en guise d’épouvantail pour faire peur aux pigeons ! Il me suffisait de le flatter et l’affaire serait dans le sac ..
Je lui ai longuement parlé, lui ai expliqué les difficultés dues à son grand age, de notre ami le clocheton, et enfin, qu’il fallait par solidarité et compassion, l’aider de notre mieux.
– « Comment ?» M’a-t-il demandé
– « C’est très simple, lui ai-je dit je vais peindre les plumes de ta queue avec des couleurs vives et phosphorescentes. »
– « Pourquoi ?»
– « Parce que premièrement tu feras l’admiration de tous et surtout le jour tu feras peur à ces satanés de pigeons qui salissent notre ami le clocheton, tu feras fuir les hiboux, les ducs (grands et moyens) qui fréquentent les remparts de notre domaine et qui m’empêchent de dormir !! »
– « Comment cela est il possible ? »
– « Eh bien ! Voilà : le jour le soleil se réverbérera sur tes plumes enjolivées et ainsi elles enverront des reflets paralysants dans les yeux de ces volatiles mal élevés et, la nuit, la lue remplacera le soleil. »
– « Bonne idée, me dit-il, je serai plus beau qu’aujourd’hui et rendrai service à notre ami le clocheton. »
Les choses se sont ainsi passées… Et je reviens à mon idée, mes chers petits amis, le clocheton me doit une fière chandelle et si vous le voulez il peut arrêter le temps pour faire durer les récréations !
Depuis tout est rentré dans l’ordre : les heures sont sonnées, les pigeons envolés, les chouettes n’ululent plus, et le coq se pavane tout là-haut …
ULULER ! Mes enfants ! Vous vous rendez compte d’un tel verbe, vous qui apprenez la conjugaison (du moins, je l’espère !). Il parait qu’il faut « siéger » à l’Académie Française pour dégoter un mot comme celui-là !!
Demandez à votre Maîtresse : pour être Académicien, il faut être vieux, très vieux (alors vous avez le temps de vous en préoccuper), avoir une barbe (blanche bien sur !) et surtout une épée bien tranchante.
Oui, vous avez bien entendu, une épée ! Vous vous rendez compte ! Nous, ici, au château, encore, je le comprendrais, autre fois il y en avait partout !
Mais à Paris, au XXI ième siècle ??
Quel usage ces braves gens, en font-ils ? Personne ne peut nous le dire, car on n’entre pas comme dans un moulin à l’académie …
J’ai une petite idée la dessus : je pense que pendants leurs récréations, pour se défouler de leurs cogitations, les Académiciens se servent de leur arme pour mettre en miette les dictionnaires qu’ils sont en train de nous concocter … ULULUER .. vous vous rendez compte ce que cela donne par exemple :
– « A la 1iere pers. sg. ind. prés. j’ulule »
– « A la 2nde pers. Pl. cond. Passé 2ieme forme : Vous eussiez ululé »
Arrêtez ! Les oreilles me font mal. .. mais eux, les académiciens, ne l’entendent pas, car ils sont sourds !!
Revenons à votre rentrée mes enfants, oui, vraiment je suis sincèrement heureux de vous retrouver et les nouveaux surtout. Moi aussi j’ai fréquenté, il y a bien longtemps, cette magnifique école, et beaucoup d’autres auparavant. Les remparts de ce château sont remplis de leurs souvenirs comme ils le seront des vôtres !! Et puis, qui ? Qui ? Quel enfant peut dire, en France, dans notre pays :
– « Moi, j’étais à l’école dans un château »
Oui, oui, vous êtes des petits châtelains, dignes successeurs de vos aînés.
Soyez fiers de votre école, comme eux l’ont été, à leur époque et aujourd’hui encore ….
Un jour lorsqu’il fera plus frais, et que ma mémoire et le temps se seront rafraîchis, je vous raconterai la journée ordinaire d’un écolier ordinaire dans ces lieux historiques.
Allez, je vous laisse, mes amis. Je suis un grand bavard, excusez-moi.
Je vous souhaite une bonne année scolaire à tous. Travaillez bien, écoutez vos Maîtresses (ou Maîtres).
De mon chemin de ronde, je veille sur vous, amicalement, paternellement allais-je dire !
A Bientôt mes amis !
Le guetteur du chemin de Ronde.