Barrage sur le Tescou : un peu d’histoire.

Nous avons eu l’occasion de rappeler que le projet de barrage sur le Tescou, remis à l’ordre du jour, ne datait pas d’hier. Son « historique », chacun le vit à sa façon en partant d’un certain nombre de faits indéniables. Lucien LACOSTE, un ancien du pays, nous raconte :

Pour quelques Euros de Plus…

Il était une fois dans la commune de Lisle sur Tarn, le long de la rivière du Tescou, une magnifique petite vallée située entre Bongen et Barat. Les touristes qui la découvrent, l’appellent « la petite Suisse ».
Malheureusement, depuis une cinquantaine d’années, celle-ci séduit de nombreuses personnes, pour des projets divers, mais qui tous, pour de multiples raisons s’avèrent particulièrement néfastes et sans aucun respect pour elle.
Heureusement, grâce à la ténacité de la population locale qui veille au grain, ceux-ci n’ont jamais pu être réalisés.
Le tout premier fut présenté aux habitants de la vallée et de ses environs en 1969 par quatre conseillers municipaux des secteurs environnants, mandatés par monsieur le maire de Lisle sur Tarn, « agent immobilier ». Ce devait être un complexe touristique de 2.500 hectares comprenant, entre autres, un grand lac de plus de 3 km de long, un héliport, un hippodrome et bien d’autres structures, toutes plus grandioses les unes que les autres. Ce projet, porté par une société privée, souhaitait acheter à très bon marché des terrains et spolier les habitants de la vallée, pour réaliser de gros bénéfices.
Ceux-ci, organisés en association de défense, ont, non sans mal, réussi à les débouter (à cette époque-là, le téléphone n’était pas dans chaque maison).
En 1976, le conseil général du Tarn achète la foret de Sivens qui englobe une partie de cette vallée ; Monsieur le Préfet du Tarn, venu la visiter, souhaite , vu qu’elle se trouve au centre d’un triangle : Albi – Toulouse – Montauban, qu’elle soit aménagée pour le tourisme.
En 1978, nouvelle relance du projet de barrage dans cette vallée, mais cette fois ce serait à des fins agricoles. Il est souhaité par un groupe d’agriculteurs de la basse vallée soutenus par la DDA et la Chambre d’Agriculture.
Rapidement, après quelques discussions difficiles, tout s’arrête à nouveau.
En 1982, un responsable de la DDASS décide d’aider le SIVOM. du Gaillacois à implanter un immense dépôt d’ordures ménagères au Mas de Belle, sur la commune de Lisle sur Tarn, situé sur un coteau qui surplombe la vallée du Tescou. L’association de défense, en accord avec la municipalité, arrête le projet par délibération défavorable du conseil municipal en date du 30 août 1982.
En 1983, le lac renaît, les habitants de « la petite Suisse » sont à nouveau conviés à une réunion à l’école de Barat ; étaient présents Monsieur le conseiller général maire de Lisle sur Tarn, un représentant de la Chambre d’agriculture, un responsable d’Adour Garonne et des techniciens de la Compagnie d’Aménagement des coteaux de Gascogne (CACG) qui, surtout, demandent l’autorisation d’entrer dans les propriétés pour réaliser des études, chose qui leur est formellement interdite par les exploitants. Au cours de cette réunion, le conseiller municipal du secteur propose un autre site, plus haut dans la vallée du Grate (affluent du Tescou), qui semble bien plus approprié, mais cette hypothèse n’est pas retenue et encore une fois tout s’endort.
En 1983, nouvelle alerte pollution : la commune de Castelnau de Montmiral est en cours d’enfouissement d’ordures ménagères dans un terrain privé bordant le Tescou, avec une tranchée, déjà remplie et rebouchée, qui se déverse directement dans la rivière. Immédiatement l’association prend les mesures nécessaires et environ 1.500 tonnes restantes sont enlevées, mais malheureusement ce qui est enfoui, y reste.
En 1997, l’un des propriétaires les plus concernés par les problèmes, décède. En 2000, un second prend sa retraite et c’est son fils, jeune agriculteur, reprend l’exploitation avec dans son dossier d’installation la prévision d’achat des terrains d’un troisième éleveur âgé de 80 ans qui désire se retirer bientôt.
En 2001, les habitants de la vallée sont invités à une réunion a la mairie de Lisle sur Tarn, présidée par un responsable du projet de barrage de Sivens à la CACG. Le successeur de l’exploitant décédé donne l’autorisation de pénétrer sur les terrains.
Au moment de la vente de la propriété de l’exploitant âgé, le conseil général du Tarn fait préemption et achète le bien. Il accorde l’autorisation d’exploiter une moitié des terres au jeune agriculteur et l’autre moitié au repreneur de l’exploitant décédé. Des études sont réalisées et, en 2009, au cours d’une nouvelle réunion, la responsable de la CACG dévoile le schéma de la future réalisation : une retenue de un million et demi de m3, étendue sur 45 hectares, avec une digue très coûteuse à réaliser, le tout pour un coût estimé à 9 millions d’euros en novembre 2011 !
L’enjeu en vaut-il la peine ? Pour quelques tonnes de maïs de plus, quand le prix du quintal de blé est aussi rémunérateur que celui du maïs, et à moindre coût !
Détruire irrémédiablement une des plus importantes zones humides du département, comportant un très riche écosystème et qui, en plus, sert à réguler le débit de la rivière.
Étrangler en leur noyant des terres, des éleveurs soucieux du respect de l’environnement et qui privilégient le pacage plutôt que l’ensilage.
Alors, jolie PETITE SUISSE, va-t-on, pour quelques euros de plus, te défigurer au point que plus personne ne te reconnaîtra ! Enfin, espérons que la voie de la raison l’emportera et que tu resteras pour toujours une très, très belle vallée.

6 réflexions au sujet de « Barrage sur le Tescou : un peu d’histoire. »

  1. Je me permets d’intervenir en tant que simple citoyen inquiet.

    Mon inquiétude ne tient pas tant aux dégâts ou avantages qu’un tel ouvrage peut amener, elle tient surtout au fait que depuis le début des palabres et gesticulations à ce sujet je suis persuadé que cette retenue ne peut se remplir sans la contribution des précipitations d’automnes et d’hiver.

    Le retour de ces pluies ne parait pas vouloir s’annoncer.

    Être persuadé est une chose, en apporter des preuves en est une autre, mais au fil du temps j’ai pu remarquer que les ouvrages situés dans un périmètre de 20 Km à vol d’oiseau sur le secteur Monclar de Quercy, Genebriere, Vaïssac, les retenues du Gouyre, du Tordre, du Thérondel, du Gagnol (ou Lials) subissaient la même déconvenue du bas niveau obtenu par le ruissellement des eaux de pluie.
    Le renfort de pompages dans le Tescounet, le Tarn et L’Aveyron plus le système de vases communicants sont un piètre palliatif qui n’arrive pas à compenser le déficit.

    Un autre point rallie mon raisonnement, la prise en compte du débit à Saint Nauphary et non pas au pont de la Plancade, situé au plus près de la possible digue pour l’étude de possibilité. Je crois sincèrement, aujourd’hui, que, depuis de nombreuses années les décideurs savent ce que j’avance.

    Ont-il une solution cachée au public pour, une fois l’ouvrage réalisé et pas assez rempli pour l’irrigation, y remédier ? Je le crains fort.

    Je crains que ce scénario se réalise et que la possible mise en eau suffisante pour l’irrigation soit reportée d’une décennie de plus, ce qui mettra en difficulté mes voisins agriculteurs qui ont cru en cette solution.

    Je regrette que les municipalités aient préféré soutenir une motion pour la retenue plutôt que la création d’un réseau d’irrigation qui, il est vrai, gênerait l’urbanisation de propriétaires en cours sur le secteur. Aucun élu n’a su proposer la création sur cette vallée d’un syndicat d’irrigation qui aurait englobé tout les besoins et non pas seulement les riverains.

    Il est à noter que si la (ou les) communauté de commune sait (ou a su) très bien œuvrer pour réhabiliter un commerce, ou créer un atelier artisanal, elle n’a jamais proposé l’achat d’une exploitation pour la mettre à disposition de petites structures de production maraîchères.

    C’est ce que j’ai écrit à la commission d’enquête avec une liste des incohérences que j’ai décelées sur la partie de dossier que j’ai lu.

    romain audard

  2. Je suis depuis très longtemps un amoureux de la jolie vallée du Tescou comme l’a confirmé publiquement mon ami Robert LINAS.
    Alors, faire de ce site magnifique – sauf apparemmant pour certains à courte vue – un site touristique avec barrage,ne tient pas compte de l’invasion de touristes désargentés et bruyants pendant deux petits mois de l’été, ou des variations négatives du cours des produits agricoles concurrencés par les pays à bas coûts. Donc un endettement lourd, long et couteux pour un bénéfice bien incertain, si non négatif, en défigurant à jamais  » la jolie petite Suisse ».
    Au passage, certains se seront bien rempli les poches.

  3. Il n’y a rien à ajouter aux remarquables articles de Lucien Lacoste et de Audard qui honorent si bien et avec tant de passion leur merveilleux petit pays.
    (auteur-historien soutenu par le Centre National du Livre – Ministère de la Culture)

  4. Pour répondre à Chryssie,economides.

    Si vous souhaitez suivre la situation sur cette retenue, je vous conseillerais de taper:

    -Sivens sur le site de la dépêche
    – collectif testet à votre serveur
    – Tant il y aura des bouilles, idem

    Cordialement, romain audard

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