Michèle Rosenzweig, née en 1956, est d’origine alsacienne et vit maintenant dans le Tarn et Garonne où elle a planté d’autres racines.
Elle a déjà publié recueils de nouvelle, ouvrages de poésie, roman autobiographique , chronique, proses, billets d’humeur dans une approche créative de l’écriture qui sort des conventions traditionnelles. Elle est également peintre et conteuse, et vous pouvez la retrouver dans son éclectisme sur son site. Et également sur youtube où vous pouvez découvrir son art de conter et une interview sur son parcours littéraire.
Contact :
Les volets bleus
12 lot . la Tiquette
82350 ALBIAS
Tél. : 05 63 20 64 57 Courriel: michele.rosen56@gmail.com
Site : www.michele-rosenzweig.net
BIBLIOGRAPHIE:
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Vosgienne de naissance, puisque née à Sapois, dans ce département, le 27 mars 1939, quelques mois avant la déclaration de la seconde Guerre Mondiale qui va conduire ce qui reste du régiment de son père dans l’Aveyron suite à l’invasion ennemie.
Nous la retrouvons donc en septembre 1941 à Réquista où la famille s’installera définitivement et c’est ainsi que Pierrette âgée de 2 ans devient Aveyronnaise à part entière.
En février 1959, elle épouse Charles et de cette union naîtront Erick et Diane.
ORIGINE-EDUCATION
Après le cycle scolaire primaire à l’école Saint Joseph de Réquista, Pierrette Champon-Chirac poursuit des études secondaires à Albi, puis à l’école Normale de Lyon, études qui lui ouvrent les portes de l’enseignement. Ensuite, tout en exerçant, elle passe le DEUG, la Licence, qui lui permettront d’accéder au titre de Professeur certifié Lettres Modernes.
De 1959 à 1968, les voyages occupent les congés du couple qui parcourt l’Italie, la Sicile, la Yougoslavie, la Grèce, la Turquie, la Syrie, le Liban, l’URSS, la Finlande, Norvège, Suède, Danemark, Luxembourg, Suisse, Tchécoslovaquie Belgique, Allemagne, Pays Bas, Angleterre, Espagne, Portugal en camping et voiture particulière.
Après avoir parcouru l’Europe, la soif de découverte l’entraîne de la région Lyonnaise à la Tunisie où elle exerce 6 ans au lycée de KSAR HELLAL. De là elle va connaître le sud de l’Algérie et le Maroc puis se rend en Côte d’Ivoire durant 12 ans, au lycée de jeunes filles de Yamoussoukro. Elle visite le Mali, la Haute Volta, le Bénin, le Ghana, le Niger.
Elle termine sa carrière à Saint-Priest au collège Boris Vian.
A la retraite elle parcourt encore l’Egypte, la Guadeloupe et enfin la Guyane qu’elle avait tant voulu connaître.
Prisée pour ses programmes pédagogiques qui suivent fidèlement les instructions ministérielles concernant la poésie, elle parvint à obtenir de hauts patronages. Partout où elle est passée elle a semé le virus de la poésie chez ses élèves, Tunisiens, Ivoiriens, Français.
Les concours de poésie où ses élèves obtiennent les premiers prix, en particulier à Montélimar, Agen, lui vaudront les encouragements de l’Inspection Académique et du Maire de Saint-Priest qui lui donne la médaille de la ville.
LOISIRS ET POESIE
Parvenue à l’âge de la retraite, Pierrette CHAMPON-CHIRAC retourne à Réquista sur les pas de son enfance.
… Passionnée de poésie en réelle militante, elle continue sa croisade pour une poésie visant à décrire les états d’âmes et les émotions, pourvu que les idées fassent état de simplicité, de sobriété et de sincérité. Elle lance en 1998 un premier concours de poésie dont l’enjeu est de réunir ceux qui écrivent et qui souvent se sentent isolés dans leur coin. Elle donne des conseils en poésie classique à ceux qui le souhaitent. La remise des prix de son concours à Lincou (Réquista 12170) permet aux poètes de découvrir le département de l’Aveyron et ses paysages divers.
PUBLICATIONS
Pierrette CHAMPON-CHIRAC sert la Poésie avec foi et persévérance dans un adage qui est le nôtre servir et non se servir. Pour justifier sa croisade, elle s’exprime dans les cours dispensés dans les classes scolaires, certes, mais aussi dans les revues et les quotidiens, à l’occasion des manifestations locales en particulier la Fête de la Brebis à Réquista au cours de laquelle elle propose depuis 13 ans un salon du livre qui réunit une trentaine d’auteurs.
Présidente fondatrice de « L’Association CROXIBI » dont la vocation principale est la Poésie, Pierrette CHAMPON CHIRAC fut aussi membre de la Société des Gens de Lettres de France, sociétaire et déléguée pour l’Aveyron et le Lot de la Société des Poètes Français, membre et déléguée régionale de la Société des Poètes classiques, membre et déléguée du Cercle International de l’Art et de la Pensée française (CIPAF), membre de la Société des Sciences et Lettres de l’Aveyron, membre de la Société d’Encouragement au Progrès.
Récemment elle s’est mise au roman d’intrigue court et a publié aux éditions Brumerge
Ces romans s’adressent à ceux qui lisent peu et qui trouveront dans ses romans une intrigue qui les amène à ne pas lâcher le livre du début à la fin.
Voici quelques titres :
-Panique en forêt
-Reste chez nous
-Pour ne pas oublier
-Dans les pas du mensonge
-Le 5ème trou
Savoir que les droits d’auteur sont reversés intégralement à une association qui œuvre à Bénarès.
Elle a fait écrire des personnes âgées sur leur enfance, adolescence, vie d’adulte etc. dans « Des vies parallèles »
Elle a publié des albums photos pour sauver la mémoire du Réquistanais
-Il était une fois Réquista (2012)
-Mémoire du Réquistanais Tome 1 et 2
-Réquista, retour vers le passé
-Les 20 ans de la fête de la brebis
-Mon école, notre école
RECOMPENSES
Ses mérites ont été reconnus par l’attribution des :
Prix de Fondation donné par la Société des Poètes Français
Coupe de la ville de Paris décernée par l’Institut Académique
Grand prix du Mérite Poétique de l’Institut Interages de Pau pour son œuvre.
Médaille d’Or du CIPAF
Médaille d’argent de la Société d’Encouragement au Progrès
Médaille d’argent de la Société des Poètes Classiques
Médaille de la ville de Saint-Priest, Médaille de la ville de Réquista lui a procuré sa plus grande joie….
Par ailleurs, signalons que Pierrette CHAMPON-CHIRAC a reçu les encouragements de Patrick POIVRE d’ARVOR et de personnalités du Monde Politique de toutes nuances confondues qui lui ont valu :
le grade de Commandeur dans l’ordre des Palmes Académiques et celui d’Officier des Arts et Lettres de France.
D’où que tu viennes, peu m’importe
Il te suffit d’être sympa
Tu pourras frapper à ma porte
Et toujours elle s’ouvrira.
Choisis de parler, de te taire,
Je ne te demanderai rien.
Sur toi, conserve le mystère
Si le silence te convient.
L’éclat de tes yeux, ton sourire
Auront droit à tous les égards,
Les mots que tu ne saurais dire
Se devinent dans les regards.
Que tu sois Blanc, ou Noir, ou Jaune
Cela n’est pas très important.
Sans vouloir te faire l’aumône
Ami, prends la main qui se tend.
ADIEU POETE
Le poète a cessé de vivre ce matin,
Les oiseaux se sont tus dans l’arbre du jardin.
Par la fenêtre ouverte,
Ils constatent la perte
De leur ami si cher qui disparaît soudain.
Assis dans son fauteuil, front posé sur la table,
Un stylo dans la main, près d’elle son portable,
Il paraissait dormir.
Dans l’ultime soupir,
Il écrivit des mots d’un sens incontestable.
Le texte inachevé rend hommage à l’amour,
Car il était pour tous le dernier troubadour
Sachant dire je t’aime
Par le biais d’un poème.
Mais, hélas ! Celui-ci ne verrait pas le jour.
Le moment est venu de déposer sa plume,
Dans les bras de la Muse, il part sans amertume
Pour un autre univers.
Que deviendront ses vers ?
Qu’importe, dans le ciel une étoile s’allume.
AIMER A LA FOLIE
Elle attend à l’arrêt du car,
Toujours exacte à son passage.
Les passants, qu’elle dévisage,
Fuient devant l’étrange regard
Les yeux hagards d’une démente
Qu’à peine un peu de bleu pigmente.
Elle va les bras, en avant.
Craignant qu’elle les interpelle,
Ils s’affolent en la voyant,
Et s’écartent bien vite d’elle.
Elle vient là, soir et matin,
Certains connaissent son histoire
En effet, la folle veut croire
Que va revenir Augustin
Son mari parti pour la guerre,
Mort sur une terre étrangère.
Croyant encore à son retour
L’espérance la tient en vie ;
Elle revient là chaque jour
Car elle l’aime à la folie.
BEAUX ARBRES
Ma boîte à lettres fait le plein
De documents publicitaires.
Ils alimenteront l’âtre de mon moulin.
Lorsque je vois le feu mordre les caractères,
Phrases et mots tordus
Je me dis : que d’arbres perdus
Pour faire du papier. Mon Dieu ! Quel gaspillage.
En esprit je pars en voyage
En Afrique à ce qu’il paraît.
Soudain, je me retrouve au cœur de la forêt
Où les géants qui m’environnent
Respectent ma personne.
J’entends battre leur cœur, respirer leurs poumons
Puis, je ferme les yeux, l’émotion m’oppresse.
Au loin s’annoncent les démons,
Humains, avides de richesse.
Ils arrivent en conquérants
Conduisant d’énormes machines ;
La beauté de ces lieux les laisse indifférents
Car ils sont venus pour mettre à l’air les racines
Des arbres colossaux,
Plus grands que les vaisseaux
Que j’imagine allant sur des mers de verdure
A la recherche d’aventure.
Pour nourrir nos futilités,
Très vite par la scie, ils seront débités
Et nous aurons tables et chaises
En teck pour y prendre nos aises,
Des feuilles de papier en tous genres parfois,
Des tas de documents qu’on ne sait plus où mettre…
Et je rêve ainsi chaque fois
Lorsque je reçois une lettre.
FRERE
Frère, te souviens-tu parfois de notre enfance
En cet endroit lointain, autre terre de France
Où nos parents vivaient heureux,
Insouciants et désireux
De profiter de l’existence ?
Frère, te souviens-tu de ces jours de terreur
Où nous étions soudain plongés dans le malheur
Hélas ! privés de notre mère
Car le pays était en guerre
Et nous, prisonniers de la peur.
Frère, te souviens-tu des moments de détresse
Où l’on nous refusait l’amour et la tendresse ?
Je revois les corps enlacés
De deux pauvres enfants blessés
Cherchant des yeux une caresse.
Frère, te souviens-tu de ces hommes déments
Qui nous ont infligés de mauvais traitements.
Nous étions jeunes pour comprendre
Tout ce que la révolte engendre
Sans épargner les innocents.
Frère, te souviens-tu qu’en dépit des obstacles
Nous avons survécu ; croyons donc aux miracles
Qui nous sortirent de l’enfer
En nous faisant franchir la mer
Tout en défiant les oracles.
Après un temps très long, l’espoir est revenu
Nous fûmes projetés en un monde inconnu
Et nous avons repris haleine
Dans une existence sereine
Mais depuis, qu’es-tu devenu ?
Car nous avons suivi deux chemins parallèles
Sans avoir partagé de ferveurs fraternelles
En ne pensant qu’à l’avenir
Où tout pourrait nous réussir,
Mais nos attaches sont réelles.
Seront passés les jours, les mois et soixante ans
Avons-nous oublié les souvenirs d’enfants
Et de notre commune histoire ?
As-tu chassé de ta mémoire
Qu’en nous coulait le même sang ?
LES ANGOISSES DE LA CHÈVRE
(en rapport avec la statue de la brebis de Réquista)
En étant gentille à souhait,
La petite chèvre a beau plaire
Et donner des litres de lait
Hélas ! Elle se désespère.
On la voit petit à petit
Perdre du poids et l’appétit.
Pour son maître quelle tristesse !
Il ne peut que s’interroger :
Elle refuse de manger
Et parfois même sa caresse.
On sent au fond de son regard
Que la dépression la guette,
Rêverait-elle de départ ?
Que se passe-t-il dans sa tête ?
Si la chèvre pouvait parler
Elle pourrait se confier
Chevroter d’une voix émue…
Et nous ne serions pas surpris
Qu’elle jalouse la brebis
Car elle n’a pas de statue.
L’ACCORDEONISTE
Pour Guy Lacan
Dans la rue, il s’en va toujours silencieux,
Partitions en main, des notes, plein la tête.
Il compose en marchant des airs mélodieux
Qu’il fera découvrir aux bals, les jours de fête.
A ce moment ses doigts sur son accordéon
Courent agilement et son esprit s’envole ;
Mais il ne garde pas cet estimable don
Qu’il aime à partager, généreux, bénévole.
Proposant des leçons à tous, les samedis,
Ils arrivent de loin ses très nombreux élèves
Amoureux des accords, les grands et les petits
Cherchent à ses côtés des provisions de rêves.
Dans la salle vétuste, ils vont se ressourcer
Près de lui qui, pendant presque toute sa vie,
Eprouva de la joie à les initier
Au musette, au classique … en toute modestie.
De Réquista, partout, il porte le flambeau
Dispensant la musique ainsi qu’un philanthrope ;
Mais les élèves auront eu leur plus beau cadeau
En remportant deux fois la coupe de l’Europe.
LA MORT DU CHIEN
Pour Désiré
Il s’appelait Youki, le chien tant désiré,
Un cadeau de l’épouse, un Beagle, chien de race
Qui comme un ami cher était considéré,
Le meilleur compagnon pour se rendre à la chasse.
On lisait aisément le bonheur dans ses yeux
Quand son maître portait le fusil à l’épaule,
Avec des bonds, des sauts, des jappements joyeux
Le chien autour de lui, dansait la farandole.
Rien ne les arrêtait, ni le froid, ni le vent.
Ils sortaient tous les deux pour une promenade
Bien plus que pour chasser, Youki partait devant
Laissant derrière lui, son maître en embuscade.
Et le chien regardait le perdreau s’envoler
Sans qu’un coup de fusil ne brise le silence,
Il voyait du fourré le lièvre détaler
Sans que le bon chasseur sur ses traces s’élance.
On lisait dans leurs yeux de la complicité
Quand son maître rentrait, heureux, fourbu, bredouille.
Ils jouissaient chacun d’un repos mérité
Toujours prêts, l’un et l’autre, à partir en vadrouille.
Mais les meilleurs moments ont hélas une fin.
En novembre dernier, le chien tomba malade.
Il était, à quinze ans, presque sur le déclin.
Comme c’est dur de voir partir un camarade !
Quand ses gémissements brusquement se sont tus,
(Face à la maladie il n’existe aucune arme),
Son bon maître comprit qu’il ne souffrirait plus.
Sur sa joue on le vit essuyer une larme.
LA MÈRE
Maman, un mot plein de tendresse
Qui fait l’effet d’une caresse
Tant il évoque la douceur,
Aussi parfumé qu’une fleur
Qu’on cueille avec délicatesse.
Point besoin d’or ni de richesse,
Du berceau jusqu’à la vieillesse,
Elle est ce qu’on a de meilleur
Maman.
Pour l’enfant chéri qu’on agresse
Elle se transforme en tigresse
Gare à ceux qui font son malheur !
Elle reste dans notre cœur
Quand on la quitte avec tristesse
Maman.
SPLEEN
Très souvent je m’ennuie, alors je tourne en rond.
Je ne sais pas pourquoi puisque j’ai tant à faire !
Comme s’il m’arrivait d’avoir touché le fond,
Et je sombre sans cause en désarroi profond.
Il me faudrait partir pour changer d’atmosphère.
Autrefois j’aurais fait ma valise d’un bond
Pour aller découvrir d’autres lieux sur la terre.
Très souvent je m’ennuie alors je tourne en rond.
Qu’il pleuve ou fasse beau, qu’importe, je préfère Rester chez moi, pensive une main sur le front
Sans entendre ni voir, dans un état second.
Je n’ai plus goût à rien ainsi tout m’indiffère
Je cherche en vain ce qui pourrait me satisfaire
Mais, hélas ! Aucun vœu, ni désir ne répond
Et petit à petit tout mon corps se morfond.
Ainsi j’apprends comment on devient solitaire.
LE BANC
Depuis longtemps, couvert de mousse,
Sous le pommier où l’herbe pousse
Il est toujours là, vermoulu
Le banc où j’ai tant attendu.
Croyant qu’avec le temps qui passe
Tu viendrais reprendre ta place
J’espérais, seule, dans le noir
Le cœur gros mais rempli d’espoir.
Le bruit d’un pas n’était qu’un leurre
Et je restais encore une heure
Ne voulant pas me décider,
Quand la nuit venait, à rentrer.
Puis je m’inventais une histoire
Que je garde dans ma mémoire.
Depuis, mes cheveux ont blanchi
Et le vert du banc a pâli.
LA VEILLEE
Ah ! Quels bons souvenirs des soirs, à la campagne,
Dans la cuisine à l’heure où l’obscurité gagne,
En rassemblant petits et grands.
La pénombre souvent fait oublier les âges,
L’éclat vif du foyer anime les visages
Ainsi que ses pétillements.
La vieille, au châle noir croisé sur sa poitrine,
Agite un doigt nerveux, sa tête dodeline
Quand elle n’a pas tout compris.
Ses mains tremblent ainsi qu’au vent la feuille morte
Les mots en occitan qui, de sa bouche sortent
Secouent de rire les petits.
Sourde, elle n’entend pas quand ils se moquent d’elle
Avec son foulard noir et son col en dentelle
Fermé par un ruban.
Ils ne correspondront plus avec leur aïeule
Qui, bientôt dans son coin, va se retrouver seule
S’ils n’apprennent pas l’occitan.
LA PASSANTE
Elle va, lentement, sans errer, dans la ville,
Un foulard en couleur noué sous le menton,
Sans jamais se presser, d’un petit pas tranquille,
Malgré tout élégante avec un pantalon.
Sur le bord du trottoir sa démarche légère
La rend attendrissante en sa fragilité.
Souvent, elle s’arrête et ramasse par terre,
Un petit bout de rien qu’elle met de côté.
Elle agit chaque jour de façon naturelle
Et marche dans la rue, ainsi, par tous les temps.
Mes yeux sont attirés par un aimant, c’est elle,
Le vendredi, debout, sur mon balcon, j’attends.
Une musique étrange éclate dans ma tête,
Mais, bientôt me voilà seule avec le regret
La nuit vient de cacher sa frêle silhouette
Quand je ne la vois plus, le charme disparaît.
LE POETE DES BOIS
(pour Max Roumagnac)
Cet homme solitaire, un peu comme un ermite
A décidé de vivre au cœur de la forêt.
Brindilles et fagots font bouillir sa marmite,
Un vieux chêne abattu lui sert de tabouret.
Le feuillage, le ciel sont l’unique toiture
De la maison bâtie au sein de la nature.
Il a su se construire un étrange univers,
Un petit paradis, puisque c’est un poète
Et la Muse des bois insuffle dans sa tête
Des kyrielles de beaux vers.
Il règne sur un monde immense et sans limite
Il a pour compagnon pie et chardonneret
Il existe vraiment, non, ce n’est pas un mythe
Et ses proches sont un écureuil, un furet.
Les champignons des bois poussent en ribambelles
Il sait où sont cachés bolets et chanterelles,
Trompettes de la mort et d’autres méconnus.
Il cueille aussi, selon, fraises, framboises, mûres,
Car il a le secret de bonnes confitures
Pour agrémenter ses menus.
Depuis longtemps il vit comme un anachorète
Que l’on pense en dehors de la réalité.
Chacun ne voit en lui qu’un rêveur, un poète
Qui, pour les gens du bourg, n’a pas d’identité.
Mais depuis quelque temps, révélé par la presse
A cet homme des bois, soudain on s’intéresse
Ses talents dévoilés par le biais d’un journal.
Pour vanter ses écrits il suffit d’une page
Et désormais il fait la fierté du village
L’aède du monde rural.
VIVEMENT LA PLUIE
L’annonce de la Météo
En ce moment nous horripile
Quand elle dit qu’il fera beau.
Pourtant, le citadin jubile
Ne pensant qu’à dorer sa peau,
En s’étalant nu sur la plage
Plus soucieux de son bronzage
Que des produits sur le marché.
Pense-t-il aux cultivateurs
Luttant contre la sécheresse,
A qui ne restent que les pleurs
Pour mieux exprimer leur détresse,
Maudissant l’excès de chaleur
Espérant un jour qu’un nuage
De la pluie sera le présage ?
Hélas! il est déjà trop tard.
Partout s’étendent champs brûlés
Plus aucune surface verte.
Ruisseaux à sec, sols craquelés ..
Et les pompiers sont en alerte.
Les pollueurs, écervelés
Que les privations dérangent,
Causes de ce climat qui change,
Seront aussi punis un jour.
SOUVENIRS DE RENTREE
Les élèves sont là, quelquefois vingt ou trente.
Ils se sont mis en rang, au signal, dans la cour.
En blouse noire ou grise et sans marque apparente,
Ils rentrent en disant à leur maître « bonjour ».
Petits aux grands mêlés marchent à la baguette
Car les parents d’accord n’ont qu’une idée en tête,
Que leur enfant apprenne et fasse des progrès.
Ils ne contestent pas l’autorité du maître,
Car la manière forte, il leur faut bien l’admettre,
Est l’unique clef du succès.
Le marronnier géant, dans la cour de l’école,
Offre son vert feuillage et veille en protecteur
Sur les enfants joyeux qui font la farandole
Se tenant par la main, chantant de tout leur cœur.
Mais à l’écart, timide, une petite fille
A laissé sur sa joue une larme qui brille.
Quel est donc son chagrin ? Le saurai-je jamais.
Lorsque les autres rient qui cause ainsi sa peine ?
Et j’aimerais bien voir jouer, l’âme sereine,
L’élève que je reconnais.
Autour d’elle qui peut comprendre sa détresse ?
Ses pleurs sécheront quand la ronde prendra fin.
Elle se réfugie auprès de la maîtresse
Qui tente avec des mots de l’apaiser, en vain.
C’est la première fois qu’elle quitte sa mère,
Elle éprouve loin d’elle une tristesse amère,
Déjà, près de la porte, elle attend son retour.
Et c’est ainsi souvent le jour de la rentrée
Qu’une petite fille à la mine apeurée
Se morfond seule dans la cour.
LES ALTRUISTES
Dans la ville certains ne trouvent rien à faire
Quand on manque de bras au secours populaire
Pour s’occuper d’autrui,
Et se meurent d’ennui.
Ils pourraient simplement faire le ramassage Des nombreux vêtements d’étoffe ou de lainage
Dont les greniers sont encombrés.
On peut se demander quel esprit les anime
Ces bénévoles qui, sans toucher un centime,
Se montrent toujours prêts
Et souvent guillerets
Pour apporter une aide et sans qu’on les appelle,
Sans attendre en retour que soit loué leur zèle.
Leur dit-on quelquefois merci ?
Le soir ils vont servir un bol de boisson chaude
Aux pauvres démunis que le vent froid taraude.
Ils donnent leur loisir,
Aider c’est leur plaisir.
Dans les villes, les bourgs, ces gens œuvrent sans trêve
Et qu’arriverait-il s’ils faisaient un jour grève ?
Il vaut mieux ne pas y penser.
LE SOIR
Le soir, avant de m’endormir
Souvent revit le souvenir
De la présence maternelle
Qui me protégeait sous son aile
Me conseillant, sans me punir.
Quand l’heure vient me prévenir
Que le jour va bientôt finir
J’aime à me retrouver près d’elle,
Le soir.
Je voudrais bien la retenir
Et près de moi la maintenir
L’image qui fut mon modèle,
A laquelle je suis fidèle.
Ô ! Pourra-t-elle revenir
Le soir ?
ESCAPADE
Ne pouvant supporter ces quinze jours d’exil,
Il avait fait le mur pour quitter le chenil,
Poussé par un ardent amour pour sa maîtresse
Partie à l’hôpital, seule dans la détresse.
Il a marché sans fin dans le vent, dans la nuit,
Insensible au danger, par son instinct conduit,
Sans manger, sans dormir, sans se reposer même.
Rien ne l’arrêterait jusqu’à celle qu’il aime.
En sachant qu’il vivait un affreux cauchemar,
Epuisé le chien dût s’arrêter dans un bar
Comme s’il comprenait qu’avec son tatouage
On le ramènerait chez elle ou dans sa cage.
Cœur battant, harassé, ses pauvres pieds meurtris,
Le regard confiant, il sait qu’on l’a compris.
Il gémit doucement au souvenir de celle
Qu’il ne peut oublier lui, son ami fidèle.
NOËL SANS OIE
Tapi dans le fossé, les yeux à demi clos,
Au coin du bois Renard, attend le crépuscule ;
Des frissons convulsifs lui parcourent le dos :
Il vient d’apercevoir un point blanc, minuscule.
Sur le museau pointu la moustache frémit,
Il s’entraîne à jeter un regard qui foudroie.
Il observe, nerveux, la forme qui grandit,
Est-ce un coq ? Une poule ? Il reconnaît une oie.
L’imprudente s’approche, ignorant le danger.
Le Renard a bondi dès qu’elle est apparue.
A l’abri du feuillage, il court pour la cacher :
Une plume après l’autre, elle se trouve nue.
La chair appétissante augmente son désir.
Mais, par où commencer, par une aile, une cuisse ?
Il est tout excité de voir ce corps frémir
Et laisse son museau courir sur la peau lisse.
Tandis qu’un souffle chaud lui passe dans le cou,
Un fin duvet d’argent se répand autour d’elle.
Le soleil rougeoyant s’est caché tout à coup,
Le silence se fait, sur un battement d’aile.
PAR AMOUR
Pour Thérèse
Par amour elle a fui la ville
Et son existence facile.
Elle a rejoint le troubadour
Qui l’attendait au carrefour
Pour une belle et longue idylle
Elle a quitté son domicile
Et son doux confort inutile
Sans aucun regret, sans détour
Par amour.
Loin du monde à l’esprit futile
Dans la nature elle jubile
Près du berger qui, nuit et jour,
Sans lui faire de longs discours,
A su la charmer par son style
Et surtout par son grand amour
REFLEXIONS
Nous sommes inégaux dans le bel art d’écrire
Pour transmettre au lecteur ce que nous voulons dire.
Certains usent de mots dont le sens sibyllin
Ou la bizarrerie échappe au plus malin.
Il faut avoir recours au bon dictionnaire
Pour un mot trop savant sortant de l’ordinaire
Dans lequel le poète aura mis son talent
Mais qui, pour le lecteur a coupé tout l’élan.
Le poème requiert une forme parfaite,
L’originalité dans le sujet qu’il traite
Et nous lisons souvent des vers bien ciselés
Mais où les sentiments sont trop dissimulés
Assemblages de mots qui donnent mal au crâne,
Qui font s’interroger -Ne serais-je qu’un âne
Pour ne comprendre rien aux vers de cet auteur ?
Tous ceux qui comme moi, lisent avec leur cœur.
LE CEDRE DE L’AMITIE
Il se dresse fier sur la place
Et vient juste d’avoir vingt ans
En résistant au mauvais temps
Dont il conjure la menace.
Issu du monde souterrain
Dans lequel plongent ses racines,
L’extrémité des branches fines,
L’unit au monde aérien.
Par son vert couleur d’espérance
Les regards sont cristallisés.
Sachez que ce sont les Croisés
Qui le ramenèrent en France.
Tous les Aînés de Réquista
Qui l’ont planté, qui le vénèrent,
Le jour de son anniversaire
En chœur se rendent à Boa.
A l’existence du village
Le beau cèdre est associé.
Il symbolise l’amitié
Eternelle qui n’a pas d’âge.
ENGAGEMENT
Après le « oui » fatal, liant les deux époux,
L’aventure commence aux portes de l’église.
Ils s’en vont, confiants, vers la terre promise
En pensant vivre à deux les rêves les plus fous.
L’un, cache ses défauts, l’autre masque ses goûts
Ils cherchent à se plaire et leur cœur se déguise.
Puis, la lune de miel, le voyage à Venise,
Les soupirs en gondole en faisant les yeux doux…
Retour à la maison, déjà le masque tombe
Et la réalité fait l’effet d’une bombe
Puisque c’est à présent l’heure de vérité.
Un duel chaque jour, entre les deux s’engage
L’un cède du terrain, l’autre prend l’avantage
Et le faible y perdra sa personnalité.
POUR MON AMIE
Aujourd’hui j’ai reçu le plus beau des cadeaux :
Tu m’as ouvert ta porte et tiré les rideaux
Me faisant découvrir ton espace de vie,
Un petit nid douillet,
Chaleureux, qui me plaît.
Ainsi tu me prouvas que j’étais ton amie.
A présent je pourrai, de loin, t’imaginer
Au milieu de tes fleurs, entrain de jardiner
Arrosant le matin quand le ciel devient rose
L’œillet, le pétunia…
Avec maestria
Agençant les couleurs en grande virtuose.
Tu sais l’art de créer un décor merveilleux,
Partager avec moi ce plaisir pour les yeux ;
On a dit que ceux-ci sont les miroirs de l’âme
Et ton jardin fleuri
Exprime en un doux cri
L’ardent amour qui brûle au fond d’un cœur de femme.
Et, dans cette maison qui domine le val,
Où la nature t’offre un cadre sans rival,
Dans l’authenticité, dans une paix profonde,
Tu trouves le moment
Et bénévolement,
De t’investir, d’avoir un regard sur le monde.
COUCHANT
Derrière l’horizon, le soleil disparaît
Et tire le rideau sur le jour qui s’achève,
Mais la clarté qui fuit ne laisse aucun regret
Elle me conduira sur le chemin du rêve.
Dans les arbres, soudain, les oiseaux se sont tus,
Le sinistre hibou par ses cris impromptus
Eveille brusquement le ténébreux silence.
Chaque soir je découvre un monde merveilleux,
Une étoile s’allume et je ferme les yeux
Puis, sur l’aile du songe ensuite je m’élance.
Dans le sommeil je sombre et me laisse guider
N’opposant à Morphée aucune résistance ;
Ainsi qu’au cinéma, le film peut commencer :
La porte s’ouvre sur l’irréalisme intense.
Je reprends le contact avec certains amis,
Les morts et les vivants puisque tout est permis.
J’ai le rôle, un instant, d’héroïne atypique
Evoluant toujours dans le monde actuel.
Au réveil, je confonds le rêve et le réel
Et je quitte, à regret, l’univers onirique
L’ORAGE
Il avait travaillé très dur dans son jardin,
S’arrêtant quand le jour décline,
Ne prenant nul repos, levé tôt le matin,
Vers la terre il courbait l’échine.
Mais son éreintement se changeait en plaisir
Quand naissait la première feuille
Puis, elle grandissait, en suivant son désir,
Jusqu’au beau légume qu’on cueille.
Tomates, haricots s’annonçaient prometteurs
D’une récolte fantastique.
Le potager fut mis, par tous les visiteurs,
Au rang de jardin botanique !
Par un jour de juillet, de gros nuages noirs,
Messagers d’un mauvais présage,
Ont réduit à néant ses efforts, ses espoirs,
Ce fut à l’instant le saccage.
Le découragement s’est emparé de lui,
Il ne peut rien contre la grêle.
Le ciel redevient bleu car la tempête a fui
Laissant les tiges pêle-mêle.
Mais devant les dégâts de l’orage pervers
Bien vite son front se déride ;
En homme sage il sait faire face aux revers
Puisque c’est le temps qui décide.
LE CHIEN
Il vous regarde ainsi qu’un enfant nouveau-né
Avec ses grands yeux noirs, le regard étonné.
Car vous êtes pour lui d’une grande importance
Et son attachement vous donne confiance.
Il existe entre vous comme un accord secret
Sans geste, sans un mot car il est très discret.
Quand vous allez sortir sans qu’il vous y convie
Vous connaissez déjà ce qui lui fait envie.
Sans effort vous savez s’il veut manger, courir,
Vous faire une caresse ou près de vous dormir.
Vous vivez en commun une entente parfaite
Chaque jour près de lui c’est un moment de fête.
Et s’il n’était plus là pour quelconque raison
Vous mourriez de chagrin seul dans votre maison
Où le bonheur marquait pour tous les deux chaque heure.
Vous êtes pour toujours d’un même amour unis,
Et le chien restera le meilleur des amis.
LA TOURMENTE
Lorsque qu’un vent furieux s’acharne sur la lande
D’une voix de stentor,
Que le ciel nuageux jette une houppelande
Sur les massifs de genêts d’or
Et que, subtile, la lumière
Prend la couleur de la bruyère
Avant de disparaître au fond de l’horizon,
Alors, seule dans la maison,
Assise auprès du feu je me recroqueville.
Dans l’âtre une bûche pétille
Et va m’inspirer quelques vers :
Hélas ! pour moi, les mots s’en vont tout de travers.
J’ai l’esprit perturbé par le souffle d’Eole
Qui saccage les alentours ;
Sachant que rien ne peut freiner sa course folle
Il fait tout valser dans les cours.
Ah ! pourvu que bientôt s’arrête
Sans trop de dégâts la tempête !
Est-ce que l’arbre du jardin
Résistera jusqu’au matin ?
Je remonte avec lui soixante ans en arrière,
Planté pour mon anniversaire
Alors que j’atteignais un an
Survivrai-je à sa mort ? Ah ! Maudit soit le vent !
NOCES DE DIAMANTS
Ensemble ils ont vécu plus de soixante années
Et franchi vaillamment les écueils du parcours
Faisant, main dans la main, de belles randonnées
Quelquefois dans la peine et dans l’amour toujours.
Ils ont eu, comme tous, des heures difficiles ;
Les jours ne pourraient pas être également bleus,
Mais les mauvais instants ne sont pas inutiles :
Ils mettent en relief ceux qui furent heureux.
Peu nombreux les époux dans les deux hémisphères,
Que raréfient encor les mœurs de notre temps,
Parviennent à fêter ce bel anniversaire
Soixante ans d’union : NOCES de DIAMANTS.
PREMIERS SIGNES DU PRINTEMPS
Le manteau de la neige a décidé de fondre
Laissant une traînée, ainsi que l’escargot
Qui bave sur la feuille et qu’on pourrait confondre
Avec les doux reflets, brillants, d’un berlingot.
Le soleil généreux, du brouillard nous délivre,
Il débarrasse aussi les fenêtres du givre.
On pressent les beaux jours déjà prêts à venir.
La nature figée a retrouvé la vie,
A sortir, désormais, le printemps nous convie,
Les frimas ne seront qu’un mauvais souvenir.
Le ruisseau libéré de la glace hivernale
Laisse couler son flot menu sur les cailloux ;
Le froid vient de franchir la phase terminale,
Le vert tendre des prés va faire des jaloux.
Sous le rebord du toit, la première hirondelle
Auprès du nid s’affaire, à cet endroit, fidèle.
Les fleurs des haricots tels des papillons blancs
Ornementent déjà les feuilles toutes neuves,
De l’hiver elles n’ont pas subi les épreuves
Et s’offrent aux rayons, du jour, étincelants.
LE VIEUX MOULIN
Sans jamais arrêter sa course régulière
Au bord de l’eau tournait autrefois le moulin ;
Il attirait les gens au bord de la rivière.
Pour moudre le froment, la roue allait grand train.
Les petits ânes gris aux flancs criant famine
S’en revenaient le soir avec de la farine.
Du lever au couchant c’était un défilé.
Les enfants s’amusaient, faisaient des cabrioles
Et des rires joyeux sortaient des carrioles
Où s’entassaient les sacs de blé.
Quel monde ce jour-là dans le moulin en fête !
Les paysans conquis par l’accueil du meunier
Buvaient en attendant que farine soit faite
Et prenaient leur repas qu’ils tiraient du panier.
La roue en mouvement laissait un flot d’écume
Et le ruisseau semblait augmenter de volume.
Sous la meule ils voyaient s’écraser les grains d’or.
Ils avaient prié pour que les intempéries
Epargnent la moisson, les récoltes mûries
Par le soleil de messidor.
Le ruisselet s’endort, la source s’est tarie,
Le murmure de l’eau, les tictacs se sont tus.
Les sacs de blé s’en vont vers la minoterie,
Depuis longtemps déjà, le vieux moulin n’est plus.
Les petits ânes gris, dont j’ai la souvenance
Seront, en mon esprit, présents en permanence.
Quand l’odeur du pain chaud embaume la maison,
Les yeux à demi clos, sans peine, j’imagine
La file des âniers transportant la farine
Qui se profile à l’horizon.
CONDOLEANCES
Tu pleures l’être cher qui brusquement te quitte
Et je comprends bien la douleur
Qui prend possession de ton cœur
Tu ne croyais jamais qu’il partirait si vite.
Pensant que rien ne peut finir,
A vivre ensemble on s’habitue
Hélas ! La mort survient et, lorsqu’elle est venue
Ne restent que les souvenirs.
Nous ne sommes que de passage ;
Du livre de la vie il faut tourner la page
Mais rien n’effacera tous les mots pleins d’amour
Qui resteront gravés toujours.
TOUT CHANGE
Rien ne sera plus comme avant
Au premier jour où tu m’as vue,
Je perds l’attrait de l’inconnue.
Que me reste-t-il à présent ?
Tu suis, d’un regard bienveillant
Une étrangère dans la rue.
Rien ne sera plus comme avant
Au premier jour où tu m’as vue.
Pourquoi l’amour, étrangement,
Quand le temps passe s’atténue ?
Tu changes, mon cœur évolue,
On prend un chemin différent.
Rien n’est jamais plus comme avant.
LA VILLE
On parle trop souvent des dangers encourus
Par ceux qui sont tentés de se rendre à la ville,
J’ai pensé que c’était une manœuvre habile
Pour que de sa maison chacun ne sorte plus.
Mais non, car elle court partout la violence,
Arrache un sac du bras, bouscule le vieillard,
Suit la loi du plus fort, fusille du regard
En attaquant surtout les êtres sans défense.
Aux jeunes gens la ville apporte le plaisir,
Mais ils seront broyés, réduits en corpuscules
Par un monstre anonyme aux vilains tentacules
Quand ils ne savent pas le bon chemin choisir.
Alors, nous penserons, lorsque la peur nous gagne,
Qu’il vaut peut-être mieux fuir l’inhumanité
Et se mettre à l’abri de l’agressivité :
Profitons des bienfaits offerts par la campagne.
LA MUSE ENVAHISSANTE
Quand la Muse soudain murmure à mon oreille,
Sa voix, d’une douceur à nulle autre pareille,
Me donne le frisson.
Je ne désire pas en percevoir le son
Et, quand elle m’appelle
Alors, je me rebelle.
Est-ce que je devrais me soumettre à sa loi ?
Va-t-elle encor longtemps contrôler mon émoi ?
La voilà qui m’obsède,
Venez vite à mon aide !
Au dossier de ma chaise attachez-moi très fort
Otez papier, stylo, venez en grand renfort,
Je vais partir à la dérive.
Elle prendra ma main, je serai sa captive,
J’écrirai sans répit des vers qu’on ne lit pas.
« Pourquoi Muse veux-tu me conduire au trépas ? »
SAINT VALENTIN
Aujourd’hui, tous les deux, fêtons Saint Valentin,
Te rappeler ce jour n’était pas nécessaire
Car il marque celui du bel anniversaire
Du coup de foudre qui scella notre destin.
En m’offrant ce bouquet de roses de satin
L’émotion m’étouffe, alors, mon cœur se serre
En pensant au jeune homme, amoureux fou, sincère
Qu’en allant travailler j’aperçus un matin.
Notre existence fut un long et beau poème
Car les mauvais moments s’effacent quand on s’aime,
On voit la vie en bleu, rien ne va de travers.
Est-ce que tu liras les mots que je t’adresse ?
Ils sont moins enflammés que ceux des premiers vers
Parce que mon amour fait place à la tendresse.
ADIEU GUSTOU
Notre bon curé
Semant le désarroi, la nouvelle est tombée
Et chacun d’entre nous est resté bouche bée
Quand vous nous avez dit que vous deviez partir,
Nous avons vu le ciel brusquement s’obscurcir.
Vous étiez notre ami, le confident, le père,
Celui qui très longtemps porta nos morts en terre,
Bénit les unions, baptisa nouveaux nés.
Qu’allons-nous devenir sans notre bon curé ?
A chacun d’entre nous vous donniez votre estime
Qu’on soit le pauvre bougre ou l’homme richissime
Et vos propos joyeux pouvaient, en un éclair,
Redonner le moral quand tout va de travers.
Vous laissez aujourd’hui vos brebis dans l’angoisse,
Vous allez nous quitter pour une autre paroisse,
Soyez heureux là-bas, priez parfois pour nous
Personne ne pourra vous oublier Gustou.
Mais à la dure loi, nous devons nous soumettre
Car, de notre destin nous ne sommes pas maîtres
Et nous courbons le dos devant votre départ
Cause de la tristesse au fond de nos regards.
Vous resterez toujours présent dans nos mémoires
A partir d’aujourd’hui, vous entrez dans l’histoire
Celle des paroissiens du bourg de Réquista.
Votre nom père Auguy, dans nos cœurs survivra.
NOËL
Voici que vient déjà le mois très attendu
Celui des beaux cadeaux que l’on offre en décembre.
Trop souvent les petits l’espèrent comme un dû
Alors que les jouets s’entassent dans leur chambre.
Les parents sont tous prêts à vouloir les combler
Pour avoir le bonheur, de les voir déballer,
De leur boîte en carton les joujoux de leur rêve.
Pour la nuit de Noël, ils ne compteront pas
Avec champagne à flots et succulent repas.
Ils flambent le budget pour une extase brève.
Au milieu du salon trône le beau sapin,
De toutes les couleurs, la guirlande électrique,
Par ses clignotements amuse le bambin
Dont le premier Noël doit être féerique.
Devant la cheminée, il a mis ses chaussons
Recouverts de paquets, de présents à foisons
Si bien qu’il ne sait plus où donner de la tête.
Il sera sans égal le bonheur des parents
Prêts à combler ce soir, leurs petits, de présents
Ils compteront demain, aujourd’hui, c’est la fête.
ÉVEIL DE LA NATURE
Je n’avais pas perçu, jusqu’à ce beau matin,
Le chant des oisillons qui montait du jardin
Dont j’ai souvent le privilège.
Viennent-ils annoncer que le froid hivernal
Quitte notre contrée avec son arsenal
De verglas, de gel et de neige ?
Le timide soleil fait fondre les glaçons
Qui frangeaient avec goût les toits de nos maisons
Rendant chacune plus jolie.
Sous le manteau neigeux la nature s’endort
Mais il éveille en moi le spectre de la mort,
Me pousse à la mélancolie.
En effet cet or blanc ne fait pas le bonheur
De l’automobiliste et du camionneur
Devant rouler avec prudence.
Hélas ! Il va servir quelquefois de linceul
A celui qui, dehors, se retrouvera seul
Dans un désert d’indifférence.
PETIT ANGE
Pour Clément
Bébé, dans ton berceau tu nous parais heureux
Sous des draps de dentelle au tissu vaporeux.
Tu nous fais penser aux créatures célestes.
Nous sommes attentifs à tous tes faits et gestes ;
De tes vagissements nous tombons amoureux.
Bébé !
Aux heures du repas tu nous rends rigoureux,
Nous rappelant à l’ordre en criant, malheureux.
Bien que tu sois petit très vite tu protestes
Bébé !
Tu reconnais déjà les bons mets savoureux
En ouvrant grand la bouche, arrondissant les yeux.
On vient à t’oublier mais tu te manifestes !
Tu manges jusqu’au bout et sans laisser de restes.
Ainsi tu deviendras grand, fort et vigoureux
Bébé !
LA LETTRE RETROUVEE
Elle était amoureuse : il s’appelait Robert ;
Il a fallu longtemps pour que fut découvert
Ce secret bien gardé mais, que sa descendance
Avait mis au grand jour,
Grâce aux lettres d’amour
Dont un certain coffret dévoila l’abondance.
Dans le confort moelleux offert par un divan,
Sans vergogne, une main dénoua le ruban
Libérant les feuillets d’une écriture fine
Aux pleins, aux déliés,
De nos jours oubliés,
Aux tons presque effacés qu’avec peine on devine.
Chaque mot décelait les élans de son cœur
Que l’on avait cru sec et dépourvu d’ardeur.
La passion fusait des lettres embaumées
Dont l’auteur tatillon
A laissé le brouillon
Apportant témoignage aux amours sublimées.
Elle qui n’aimait pas recevoir de bouquet,
Insensible au parfum du lilas, du muguet,
Dans un beau soliflore a conservé la rose :
Un cadeau de l’amant,
Du beau prince charmant,
Après avoir vécu sa nuit d’apothéose.
A sa famille elle a fort bien caché son jeu,
Gardé ses sentiments sans en faire l’aveu ;
La rose concrétise un être imaginaire
Car, cet épistolier
N’était pas de papier
Ni sorti de l’esprit d’une visionnaire.
FÊTE DE LA BREBIS (en juin)
Depuis longtemps déjà, sur l’agenda des fêtes,
Un dimanche de juin célèbre les brebis
Et le matin dès l’aube, elles sont déjà prêtes
A défiler devant les flâneurs réjouis
Qui viennent de la ville
Les voir marcher en file.
Un tintement joyeux de clochettes, grelots,
Annonce le troupeau qui lentement s’avance.
A la tête, les chiens, vigilants, se dépensent
Empêchant les ovins d’entrer dans les bistrots.
Mener cinq cents brebis n’est pas chose facile ;
Des bergers compétents, des hommes de terrain,
Afin de traverser sans encombre la ville
A l’aide du bâton, doivent veiller au grain.
Sans flonflon ni cérémonie
La troupe bêlante est bénie.
La musique, les cris, les applaudissements
Leur feront regretter la paix du pâturage
Pour le quitter il faut de grands événements
Ainsi que celui-ci : la fête du village.
LA FERMIÈRE
Dans l’odeur de fumier imprégnant ses habits
La fermière s’affaire à traire les brebis.
Le lait, frais et mousseux gicle dans l’écuelle,
Sort en jet continu de la lourde mamelle.
Ses mains viennent et vont en gestes saccadés.
Auxquels les animaux se sont accommodés.
Elle dit quelques mots à celle qu’elle flatte
De peur de recevoir soudain, son coup de patte.
S’élève dans le noir un profond bêlement
Qui s’enfle et se termine en un chevrotement,
Une autre aux pis gonflés déjà s’impatiente.
En espérant son tour, chacune se lamente.
AU JARDIN
Au levant quand revient l’aurore satinée
Qui verse sur le sol des volutes d’argent,
Qui transforme en fils d’or la toile d’araignée,
Je sors de la maison pour m’asseoir sur le banc.
C’est l’heure où le jardin de lumière s’habille,
Où tout ébouriffé l’oisillon sort du nid,
Que le colimaçon s’étire en sa coquille
Et que l’obscurité roule vers l’infini.
Moment délicieux, le seul qui m’émerveille
Je perçois, attentive, un murmure où chacun
Lance une vocalise, inaudible à l’oreille,
Où chaque fleur s’entrouvre en offrant son parfum.
Je me crois sur une île irréelle, éphémère
Ou dans mon lit rêvant, tête sur l’oreiller.
Hélas ! Une rumeur perce le mur de pierre :
C’est la rue à son tour qui vient de s’éveiller.
ECRIRE
C’est pouvoir s’évader d’une existence austère
En chevauchant les mots pour prendre son envol,
S’éloigner un moment des propos terre à terre
De la mesquinerie en disant « ras le bol ».
C’est la capacité de changer d’habitude
De ne plus rien entendre et de faire le sourd,
D’inspirer de l’air pur que donne l’altitude,
De partir à son gré pour un royal séjour.
Qui n’a pas rêvé de partir sur un nuage
Pour voguer un moment sur les océans bleus ?
Vous pouvez vous aussi vous offrir un voyage
Avec votre stylo, ce sera merveilleux.
LE BOUT DU MONDE
La petite maison au bord de la falaise
Où nous sommes allés pour y faire un séjour,
Pour goûter le silence et méditer à l’aise,
Me fait rêver la nuit, me fait rêver le jour.
Je la crois bien assez vaste pour deux personnes.
Si ces lieux reculés ne te font pas trop peur
Partageons ce logis, passons-y nos automnes
Les vagues rythmeront nos battements de cœur.
Je lirai dans tes yeux, où le ciel se reflète,
Si les nuages sont balayés par les vents,
Du vert passant au gris quand souffle la tempête
Ainsi qu’un baromètre ils prédisent le temps.
Mais à te retenir je ne dois pas prétendre,
Quand la mer serait calme, alors tu partirais
Et je passerais là des heures à t’attendre
Espérant ton retour comme aujourd’hui je fais.
BUREAU
Bureau, tu fus témoin des minutes d’ivresse,
Des moments de bonheur et de mon désespoir.
Tes murs ont abrité, des regards, ma détresse,
Les instants douloureux où je broyais du noir.
Dans ton asile sûr, les heures semblaient brèves
Et j’aurais voulu voir s’éterniser le temps
Lorsque je regagnais le domaine des rêves
Pour fuir vers d’autres cieux, les amis inconstants.
A travers les rideaux d’une étroite fenêtre
Le monde apparaissait sous un aspect trompeur.
Loin du monde, du bruit, tu m’offris ton bien –être.
Ce soir, en te quittant, je connaîtrai la peur.
NOSTALGIE
J’ai marché jusqu’à ta maison
Où fleurissaient jadis les roses,
Par des dizaines leurs pompons
Rendaient le gazon moins morose.
Plus de visage familier
Ni plus aucun éclat de rires,
Plus aucun pas sur le gravier
Que pourrai-je encore décrire ?
Devant portail et volets clos
Je me demande si j’existe.
Je pars, étouffant mes sanglots.
Sans toi que ce village est triste.
BONNE FÊTE MAMAN !
Ce nom, ce nom si doux, agréable à l’oreille
Evoque en notre esprit un visage charmant ;
Le bébé l’apprend lorsqu’ à la vie il s’éveille
Est-il un nom plus beau que celui de Maman ?
Dans le bonheur, la joie et surtout dans la peine
Il vient à nous, magique et plus de mille fois.
Il sait réconforter, rend notre âme sereine
On appelle, aussitôt nous répond une voix.
Et c’est encore avec beaucoup de nostalgie
Que nous le prononçons même dans les vieux jours
Nos yeux versent des pleurs car, lorsqu’elle est partie
Il nous manque une grande part de son amour.
Un dimanche de mai, c’est la fête des mères,
Pour chacun d’entre nous ce sera le moment
De lui montrer qu’elle est celle que l’on préfère
En lui criant bien fort « Bonne fête Maman ! »
JEUNE FILLE
Je voudrais m’assurer ce soir, que tout va bien
Mais, ton regard fuyant me dit qu’il n’en est rien.
Tu rêvais de départ et d’une autre existence,
De t’en aller très loin pour vivre ailleurs qu’en France.
Mais voilà, depuis peu, tu perds ta liberté,
Le désir de l’envol, ta spontanéité
Et tu te trouves prise en une étroite cage,
Derrière les barreaux, tu perds ton beau plumage.
Je te vois un peu plus chaque jour dépérir,
La déprime te guette et tu voudrais mourir
Prisonnière à jamais d’un boulet, d’une chaîne
Par toi seule forgés. Tu me fais de la peine !
COUPLE MODELE
Pour Janot et Marie Thérèse
Ensemble depuis très longtemps
Frais comme une rose à l’aurore
On croirait qu’ils n’ont que vingt ans
Yeux brillant comme un météore.
Ils vont toujours main dans la main
En suivant le même chemin
Sans se quitter une seconde.
Vous les avez sans doute vus
Ils ne vous sont pas inconnus
Ces amoureux du bout du monde.
Mais lorsqu’ils changent d’horizon
C’est pour un tout petit village
Où, sous la treille, une maison
Vient leur rappeler leur jeune âge.
Immergés dans le souvenir
Que le temps ne peut pas ternir
Ils y retrouvent leur enfance.
S’y rendant été comme hiver
C’est ainsi que j’ai découvert
Qu’ils prenaient un bain de jouvence.
FAVORI
Somnolent à demi dans le creux du coussin,
Sur ton pelage roux, tu sens courir ma main
Et ton corps ondulant sous ma tendre caresse,
Voluptueusement, sur le fauteuil se presse.
Lorsque j’entends monter de ta gorge un ronron,
Sur tes pattes, dressé, quand tu fais le dos rond,
J’ose alors espérer un instant que tu m’aimes
Et voudrais prolonger ces minutes suprêmes.
Tu restes près de moi, mais c’est toi qui le veux ;
De te garder toujours je formule des vœux
Mais, tu n’éteins jamais ta soif d’indépendance,
L’attachement serait signe de décadence.
Quand la faim te tenaille, alors tu me connais,
Impérativement tu réclames ton lait
Car, de te nourrir seul tu n’as plus l’habitude,
A mes côtés tu vis en toute quiétude.
Tu veux savoir pourquoi mon cœur s’amouracha
De toi, bel animal, qui n’est au fond, qu’un chat ?
En silence tu sais dormir sur mes épaules
Et, dans mon univers, point besoin de paroles.
L’HIVER
Décembre ! La nuit tombe et souvent la tristesse
Envahit votre cœur quand, au milieu du jour,
L’obscurité se fait, la lumière régresse,
Vous espérez alors, du printemps, le retour.
Les arbres dénudés de leur épais feuillage,
Jalousent le sapin, qui garde l’avantage,
De pouvoir abriter ses amis les oiseaux
Cherchant avidement un peu de nourriture,
Une protection contre gel et froidure
Dans l’espoir que les jours redeviennent plus beaux.
L’hiver, dans la maison, on se recroqueville
Et le repli sur soi n’est pas toujours très bon
Car, en faisant le point, du fond de sa coquille
On peut broyer du noir plus noir que le charbon.
Chez moi qui suis plutôt d’une nature triste,
L’hiver est attendu, me prouvant que j’existe.
J’aime cette saison qui rend mon esprit gai.
La Muse en ce moment va me rendre visite,
Quand le soleil revient, bien vite elle me quitte
Et j’écris beaucoup plus l’hiver qu’au mois de mai.
LE JARDINIER AMOUREUX
Le jardinier pensant trouver le vrai bonheur
A la plus belle rose a fait don de son cœur.
Et, consacrant son temps à la fleur bien aimée,
A tous les visiteurs sa porte s’est fermée.
Dans la tiédeur du soir embaumé de parfum
Les pétales rosés s’envolent un par un,
Et les chants des grillons résonnent en sourdine
Sous le clin d’œil hardi de la lune mutine.
Mais, au petit matin, vautré sur le gazon,
Cheveux ébouriffés comme un mauvais garçon,
Il ne tient dans ses doigts que quelques étamines,
Un morceau de bois vert tout hérissé d’épines.
De son étreinte il reste une goutte de sang
Qui le long de sa main s’écoule lentement.
Le jardinier se meurt de cet amour sans âme,
Trahi par une ardeur qui fit mourir sa flamme.
Pour lui les mimosas ne refleuriront plus,
Dans le fond du jardin les oiseaux se sont tus.
A la rose il voulut montrer sa préférence
D’un même accord les fleurs tirent leur révérence.
Les murs n’accueillent plus d’oreilles de souris,
Plus de massifs si beaux, ni parterres fleuris.
Son amour pour la rose aura causé sa perte.
Il paraît que depuis, il n’a plus la main verte.
L’INCENDIAIRE DE BANLIEUE
Vous voilà bien l’auteur de mes embrasements ;
Il me semble à présent être dans la fournaise
Que l’on entretiendrait à l’aide de sarments
Et je suis étonné que cet état me plaise.
Tel le baril de poudre explose à la chaleur
Ou plus communément un bidon plein d’essence,
Vous avez allumé la mèche de mon cœur
Et mon corps tout entier vire à la turgescence.
Lorsque vous m’adressez un sourire explosif,
Le soir quand je descends pour vider ma poubelle,
Aucun mot ne serait assez dissuasif
Pour me faire oublier vos airs de jouvencelle.
Une seule étincelle alluma mille feux
Et je n’ai pas osé vous déclarer ma flamme
Que fit naître l’éclat de braise de vos yeux.
Allez-vous accepter de devenir ma femme ?
Surtout qu’aucun refus n’éteigne mon ardeur
Ainsi qu’une bougie à moitié consumée.
Il suffit d’un regard de glace, de froideur
Pour qu’il n’en reste plus que cendres, que fumée.
POUR CEUX QUI SONT EN DEUIL
Par un grand tourbillon, je me sens aspirée
Contre mon bon vouloir ou selon mon désir ?
Qui pourrait à présent me résoudre à choisir
Entre ces deux chemins : l’enfer ou l’empyrée ?
J’ai perdu tout contact en vivant retirée,
Seul le temps révolu m’apporte du plaisir,
S’accrochant à mes pas, comme pour me saisir
Mais il m’ôte l’esprit dont j’étais inspirée.
J’aime à me demander : « Ma vie a-t-elle un sens ?
Qui sur elle mettrait du baume ou de l’encens
Car d’un passé commun suis l’unique héritière ?
Désormais rien ne peut provoquer mon émoi
Et mon seul univers devient le cimetière
Depuis que mes parents ne sont plus près de moi.
FEMME COURAGE
L’homme partit laissant sa fillette et sa femme
Des larmes dans les yeux car il vivait un drame ;
Il voulait emporter en un dernier regard,
Des siens, l’ultime image
Avant le grand voyage,
Pour la rendre immortelle au moment du départ.
Inutiles les mots qu’ils auraient pu se dire ;
Sur le pas de la porte il lui promet d’écrire
Puis s’enfuit dans la cour presque brutalement
Abrégeant le supplice
De boire le calice
Rempli de désespoir, de découragement.
Les deux êtres chéris derrière la fenêtre
D’un mutisme commun, ne laissent rien paraître,
Sans un geste, sans voix pour ne pas redoubler
La tristesse du père
Qui s’en va pour la guerre
En laissant, après lui, les cendres du foyer.
Les femmes, crânement, en cette circonstance
Comptèrent sur leurs bras pour trouver leur pitance :
« Aide-toi, le ciel t’aidera » d’elles, connu ;
Travaillant les dimanches,
Se retroussant les manches
En pleurant le mari qui n’est pas revenu.
LE SERVICE EN ARGENT
Sur le confiturier, le service en argent
A l’angle du salon se dressait fièrement.
Un ornement sans aucun doute,
Qui témoignait du temps où l’unique projet
Etait d’avoir acquis au moins un bel objet
En se moquant de ce qu’il coûte.
Cet ensemble devait avoir grande valeur,
Il aurait pu tenter plus d’un cambrioleur
Et souvent, sa propriétaire
Le contemplait songeuse évoquant le passé
Et tant d’autres regards qui l’avaient caressé,
Assise en son fauteuil Voltaire.
Pour payer une dette, un jour, il fut vendu :
Adieu belle théière au ventre bien dodu !
Qui profiterait de tes charmes ?
Ce geste que la vieille avait désapprouvé
Accéléra sa fin, son état aggravé
Par d’abondants torrents de larmes.
LE REFUGE DU RÊVE
Derrière l’horizon, le soleil disparaît
En tirant le rideau sur le jour qui s’achève,
De la clarté qui fuit je n’ai pas de regret
L’ombre me conduira vers le chemin du rêve.
Dans les arbres, soudain, les oiseaux se sont tus
Quand le silence pose un voile de mystère,
Que font-ils dans leur nid, on ne les entend plus ?
La crainte de la nuit les incite à se taire.
Je n’ai, pour m’évader, rien qu’à fermer les yeux.
Pour trouver, à l’instant, de nouveaux paysages.
Chaque soir je découvre un monde merveilleux
Où l’on vit sans soucis car les gens sont plus sages.
LE TAUREAU
Dans le vert pâturage, au milieu du troupeau,
Heureux d’aller partout où son plaisir le mène,
Il avait vu le jour, pauvre petit taureau,
Ignorant qu’il allait finir dans une arène.
Des hommes à cheval sont venus le chercher
Pour le mettre en prison dans une chambre noire,
Et, de gratter le sol, il ne peut s’empêcher,
Tout tremblant de colère en sa robe de moire.
La porte de l’enfer s’ouvre et mille démons,
Les yeux exorbités, les faces sanguinaires,
Assis sur les gradins hurlent à pleins poumons,
Délire à l’état pur ! Brutes au cœur de pierres !
A-t-il compris qu’il faut qu’il devienne méchant ?
Il ne réagit point, on l’agace, on l’excite,
Mais lorsque de son dos dégouline le sang,
L’espace d’un éclair, il devine la suite.
Promis à ce combat qui se montre infernal,
La pique le transperce, il doit lui faire face ;
La cruauté gratuite envers cet animal
Qui ne demandait rien laisse les cœurs de glace.
Mais c’est déjà la fin, il roule sur le dos ;
En habits de soleil un homme fanfaronne
Quand le sable engloutit le sang qui coule à flots
Du souffle saccadé. La mort n’émeut personne.
Ils n’ont pas attendu son ultime soupir
Que le fil du rasoir vient lui trancher l’oreille,
Un signal qui fera les spectateurs rugir :
Il est mort mais en eux, la bête se réveille.
PASSANT
Passant, me feras-tu l’aumône d’un regard
Lorsque je suis debout derrière ma fenêtre ?
Car, si je reste là, ce n’est pas par hasard,
J’attends que l’amitié puisse, entre nous deux, naître.
Tu n’as rien à m’offrir, je n’ai rien à donner ;
Si tu m’interrogeais, que pourrais-je te dire ?
Pour se comprendre il n’est pas besoin de parler
Je peux me contenter d’un signe ou d’un sourire.
Tu vas, baissant la tête, aveugle, indifférent
A mes appels muets que tu ne peux comprendre.
Quand tu presses le pas, mon cœur, en soupirant,
Désespère de voir, un jour, ta main se tendre.
ÉLUCUBRATIONS DU PETIT ÂNE
Sur la route qui monte, un petit âne gris
Tire une pauvre carriole.
Il fait tout ce qu’il peut, obéissant aux cris,
Aux méchants coups de fouet qui, sur son dos, s’envolent.
Du conducteur brutal ne se voit que la main,
La main droite ridée autant qu’un parchemin
Et qui, nerveusement, sur les rênes s’agrippe.
La gauche prendra le relais,
Dans un claquement du palais
Tandis que, de sa bouche, il ôtera la pipe.
Le ruban du chemin à travers la forêt
Lentement se déroule.
Le petit âne gris au galop, sans arrêt
S’est figé brusquement, sur ses pattes s’écroule.
Alors cet homme en noir, au visage barbu
Donne des coups de pieds à l’animal fourbu
Qui, péniblement mais, docile, se relève,
Aux ordres du roulier.
Il part sans sourciller.
L’incident n’a duré qu’une minute brève.
Tout le village attend l’affûteur de couteaux,
Le rémouleur, comme on l’appelle.
Sa réputation d’aiguiseur de métaux,
Son art, font accourir de loin la clientèle.
Chacun semble ignorer le petit âne gris,
A-t-il soif ? A-t-il faim ? Il est seul, incompris.
Les villageois nombreux près du maître s’affairent
Autour de lui formant un immense éventail ;
Après un coup de rouge, il se met au travail
Et, sur la meule, il montre à tous son savoir-faire.
Le petit âne gris voudrait être choyé
Il aimerait qu’on le caresse,
Recevoir un mot doux sans être rudoyé
Et qu’on lui manifeste un peu plus de tendresse.
Il s’est toujours montré, gentil, obéissant
Afin de satisfaire un maître tout puissant.
Soumis, fidèle, en tout, l’âne se subordonne.
Il a beau se décarcasser
Il n’en fera jamais assez.
Mais à cet homme ingrat, chaque jour il se donne.
LE PRINTEMPS
Le printemps est venu mettre un terme à l’hiver.
Et les gens vont enfin retrouver le grand air
Loin du froid qui les rend maussades.
Rangeons dans les placards manteaux, bottes, gilets,
Pour adopter le short, laissant voir les mollets,
En route pour les promenades !
Le soleil généreux nous incite à partir
Pour aller n’importe où, marcher, nous dégourdir
En profitant de la nature.
Les entrelacs de lierre, habillent les maisons
Aux vieux murs lézardés par le poids des saisons,
D’une neuve et verte parure.
De simples pissenlits par le vent caressés,
Les renoncules d’or tapissent les fossés
Et se mêlent aux primevères.
Le cadre bucolique enjolivé de fleurs
L’espace d’un instant a repris des couleurs
Sublimant des lieux ordinaires.
Le village s’active, et le monde rural
Dès les premiers beaux jours a repris le moral,
Réveillé de sa léthargie
Chacun se croit pourvu de jambes de vingt ans,
Les jeunes et les vieux attendent le printemps
Qui redouble leur énergie.
L’AIDE MENAGERE
La grand-mère a glissé malencontreusement :
Comment se relever sans aide ?
Aucune force dans les bras !
Elle n’arrive même pas
A se mouvoir ainsi que fait un quadrupède.
Elle est clouée au sol dans son appartement.
Le mois d’août a chassé les gens du voisinage
Comme toutes les autres fois.
Pour atteindre le téléphone
D’une main elle se cramponne.
Ses cris et ses appels la laisseront sans voix.
Elle demeure seule à côté du village.
Les membres repliés, comme un chien abattu,
Elle git à présent sans force.
Dès que s’est caché le soleil,
Elle a sombré dans le sommeil
Lui faisant oublier la douleur de l’entorse ;
A la nuit tombée, au dehors, tout s’est tu.
Au matin le réveil sonne sur l’étagère
Elle est toujours sur le parquet.
Elle ouvre un œil et réalise
Que bientôt arrivera Lise
Plus qu’un moment d’attente alors l’espoir renaît :
Elle est sauvée enfin par l’aide- ménagère.
SI CELA ARRIVAIT …
Privé de tous ses biens tout un peuple en exode,
Des femmes, des enfants aux visages en pleurs
Dont la télé nous sert chaque jour l’épisode
Nous laisse indifférents, froids devant leur douleur.
Chez nous, on fait la fête, on va faire bombance,
Nos enfants chercheront des œufs dans le jardin.
Ici, Pâques rassemble et montre l’abondance
En donnant le signal pour un nouveau festin.
Tout un peuple affamé, faute de nourriture,
Qui marche sans savoir où trouver des abris.
Aucune identité, sans maison ni voiture,
Avec le souvenir de ce qui leur fut pris.
Tous des gens comme nous qui ne pensaient qu’à vivre,
Espérant vainement qu’arrivent les secours.
Qui va donc empêcher que la mort les délivre ?
Certes ce ne seront jamais les beaux discours.
LA FIN D’UNE EPOQUE
Quand je passe devant ce qui fut autrefois
L’école où l’on m’apprit à lire,
Je ressens de la peine et demeure sans voix :
Suis-je dans le réel ? Est-ce que je délire ?
Les yeux mi-clos, face à ce spectacle émouvant
Qui m’attire ainsi que le vide,
Je revois défiler mes premiers pas d’enfant
Pleine d’enthousiasme et de savoir, avide.
Je ne veux retenir que les meilleurs moments
Dans ma mémoire sélective
Qui ne peut pas garder tous les événements
De faire un tri j’ai donc pris l’initiative.
Dans la cour quand venait le soleil printanier
Joseph, de sa haute stature,
Supervisait nos jeux sous le grand marronnier
Où les oiseaux chantaient l’éveil de la nature.
J’observe les photos que j’ai pu réunir
Du couvent, des sœurs, de la Mère
Elles auraient voulu me faire devenir
Une femme au foyer, parfaite ménagère.
Je n’ai pas entendu la voix de leur raison
J’avais d’autres projets en tête
Mon vœu profond étant de changer d’horizon,
Je rêvais d’un ailleurs, à partir j’étais prête.
Tout à coup de mes yeux s’échappèrent des pleurs
Quand la façade fut à terre
Sous les coups de bélier d’engins dévastateurs.
Nous observions muets sans aucun commentaire.
Immobiles transis dans le vent furieux
Nous assistions à l’agonie
Du bâtiment ; figés, tristes, silencieux
Comme si s’échappait de notre corps la vie.
Elèves de Saint Jo, gardons le souvenir
De ce que fut jadis l’école
Qui nous a façonnés, nous apprit à grandir.
Et d’un commun passé qu’elle reste un symbole.
ROUTE MEURTRIERE
Un beau jour de juillet, il partit faire un tour,
Aussitôt disparut sur une bicyclette,
Adepte du vélo, pratiqué chaque jour
Afin de conserver la forme à la retraite.
Aucun nuage en vue au bord de l’horizon,
Sous un soleil ardent il rêve d’une glace,
Il n’a pas oublié d’emporter sa boisson
Et, comme un gars du Tour, sur la selle il se tasse.
Absorbé par l’effort, les cheveux dans le vent
Prudent comme toujours il aborde un virage ;
Dans son dos la voiture arrive promptement
Et le projette au sol dans un beau dérapage.
Le conducteur s’arrête et vient à son secours
Le silence est rompu par le bruit d’une roue,
Qui dans l’air continue à faire quelques tours,
Et des grillons témoins du drame qui se joue.
Les parents apprendront la nouvelle bientôt
Atterrés par la fin d’une très belle histoire.
Ô ! vous tous qui lirez dans le journal ces mots
N’oubliez pas, gardez cette scène en mémoire,
Quand vous devrez prendre la route.
LA CAVE DE L’IMMEUBLE
Souvent les gens frustrés s’en vont au cinéma
Et surtout les enfants qu’attirent peur et crainte
Fanatiques surtout des films de Dracula,
Du vampire ils voudraient bien connaître l’étreinte.
Mais je n’ai pas besoin d’agir comme ils le font,
Car pour me faire peur, je descends à la cave
Dans le sous-sol sinistre et ténébreux au fond
En cet espace obscur je ne suis pas très brave.
Des portes, des couloirs, des murs, des numéros…
Toute seule en ce trou j’entre en un labyrinthe
Un théâtre idéal pour jouer au héros !
Le jour comme la nuit la lumière est éteinte.
Dans le passage obscur, je vais en tâtonnant
Le faisceau de ma torche éclaire les coins sombres
En éloignant de moi l’étrange frôlement
Des bras démesurés dont j’entrevois les ombres.
Ô combien je préfère arachnides et rats
Qui m’inspirent pourtant beaucoup de répugnance
A l’effroi que produit un certain bruit de pas
D’être en chair dont je peux deviner la présence.
De fumée et d’alcool je perçois un relent
Qui me ramène à terre et ranime ma crainte.
Pour me faire oublier je marche d’un pas lent
Dans le noir absolu car ma lampe est éteinte.
Je n’ai pas le désir d’aller chercher ailleurs
Car, pour les cauchemars, la cave est une aubaine
J’y descends quand je suis en manque de frayeurs,
J’en remonte aussitôt d’une âme moins sereine.
LE JARDIN SAUVAGE
Secrètement je vais, pour écrire des vers,
Dans le jardin désert où m’attire la Muse.
Je réponds à l’appel et, des travaux divers,
Dons du quotidien, je m’échappe par ruse.
Il me colle à la peau, me poursuivant partout,
Pour prendre mon envol je n’ai qu’un seul atout,
Entrouvrir le portail, entrer dans le domaine
Où, dans le bois profond, le gazouillis d’oiseau
Se mêle intimement au froufrou du ruisseau.
La nature maîtresse en ce lieu me ramène.
Je hume avec délice un doux parfum de fleur
Celui du chèvrefeuille et son odeur m’enivre,
Elle engourdit mes sens d’une étrange torpeur,
Enlevant à mon corps la volonté de vivre.
Je me laisse emporter vers un monde irréel,
Je suis sur une étoile et je touche le ciel.
Un gros nuage noir me ramène sur terre.
Mon rêve terminé, sur le banc vermoulu
Je reprends mes esprits, le voyage m’a plu.
Dans ce jardin charmant je reviendrai, j’espère.
LEUR DESTIN
Le bruit sourd des marteaux tapant sur la ferraille
Résonne sous la tôle, ici, qui sert de toit
Et dans une ombre épaisse où grouille la marmaille,
Des enfants sont assis, sur le sol, à l’étroit.
Leurs yeux démesurés, qu’agrandit la famine
Font ressortir un teint olivâtre et terreux.
Aucun n’est inactif, l’ardeur qui les domine
Montre que ce travail compte beaucoup pour eux.
Ils détordent le fer des boîtes de conserves
Qu’une équipe arracha d’immondes dépotoirs,
Dans un coin de la cour trône un tas de réserves
Et leurs petites mains servent de laminoirs.
Mais on entend fuser leurs joyeux babillages
Car, malgré tout, ce sont encore des enfants
Et leur rire domine au sein des martelages
Eclairant leur figure aux regards triomphants.
On aimerait les voir jouer à ne rien faire.
En recevant la vie ils ont compris d’instinct,
(Leur façon de penser de la nôtre diffère),
Que le travail serait maître de leur destin.
POUR UN HOMME EN DETRESSE
Pour M. Causse
Cette nouvelle année augmente la tristesse
De celui qui va, seul, pour la première fois
Vivre dans la maison qui pleure sa maîtresse,
Où ne résonnera plus l’éclat de sa voix.
Absente, cependant, partout il la devine
Dans le salon, debout, des livres à la main,
Ou mijotant un plat pour lui, dans la cuisine,
Et cueillant quelques fleurs dans le petit jardin.
On dit qu’il faut partir pour prouver qu’on existe,
Ce n’était pas la peine, elle existait déjà,
Et son amour pour elle, émanant d’un cœur triste,
L’accompagne sur le chemin de l’au-delà.
L’appel intérieur qu’il entend dans sa tête
Lui prouve, qu’invisible, elle n’a pas quitté
La demeure où vingt ans de bonheur se projettent
En franchissant le seuil de l’immortalité.
RECUL
Quand ne jaillira plus du cœur de la planète
L’or noir tant convoité qui rendait l’homme heureux,
Nous reprendrons la marche ou notre bicyclette
Sur des chemins rendus boueux ou poussiéreux.
L’avenir nous promet d’autres scènes champêtres.
Déjà des pionniers ont repris la jument
Pour tirer la charrue ainsi que leurs ancêtres.
La presse relata ce grand évènement.
Saurons-nous affronter la nouvelle existence
Où l’homme connaîtra la notion d’effort
Et mettre brusquement un frein à l’appétence
Qui pousse chaque jour à la course au confort ?
Hélas ! Nous amorçons le retour en arrière
Où nous serons errants dans un désert sans nom.
Ainsi nos descendants verront la fin de l’ère
Où nous étions heureux, ayant tout à foison.
APPARENCES
Lorsque vous rencontrez un être sympathique
Ne vous arrêtez pas au seul aspect physique,
Un masque qui parfois peut s’avérer trompeur
Mais recherchez plutôt les qualités de cœur.
Vêtements et bijoux, de futile apparence
Susciteront surtout la grande indifférence
Du psychologue expert qui, les voyant, sourit :
Car ils ornent le corps laissant à nu l’esprit.
DU CHÔMAGE ?
Peut-on nous parler de chômage !
Les artisans sont débordés
Et pour le moindre dépannage
Nous disent toujours « attendez.
Pour un ordinateur en panne
Ou pour obtenir un couvreur,
Pour réparer une bécane
Soyez zen devant la lenteur.
Le charcutier qui n’a plus d’aide
Est en quête d’un apprenti
Ses recherches sont sans remède,
L’hôtelier n’est pas mieux loti.
En vain, il cherche une serveuse
Et le boulanger, un mitron,
Le restaurant, une plongeuse
Chacun d’eux se fait du mouron.
Mais qui va prendre la relève
Du commerçant, de l’artisan
Dont le dicton « travaille ou crève »
N’est plus en vigueur à présent ?
LES ENFANTS DE L’OMBRE
Ouvriront-ils les yeux sur les gens, sur les choses,
Sur les fleurs qui partout, au printemps sont écloses ?
Verront-ils la fontaine aux perles de cristal
Au jet d’eau qui s’élance en un flot vertical
Car, ils vont, baissant les paupières ?
Vont-ils s’apercevoir que c’est déjà l’automne,
Que sur l’asphalte gris les feuilles tourbillonnent,
Que les grands peupliers tels des langues de feu
Sèment des pièces d’or sur leur aire de jeu
Car ils portent tous des œillères ?
La plupart des enfants, nés dans les grandes villes
Sont pourvus de cinq sens devenus inutiles.
Ils vont droit devant eux se fiant au hasard
Ainsi que des robots guidés par un radar,
Aveugles, sourds à leur manière.
Vont-ils pouvoir un jour, enfin, voir la lumière ?
LA MORT D’UN VILLAGE
Un village se meurt au bord de la rivière,
Indolente qui court sur un lit de cailloux,
Lutte contre la mort, se bat en solitaire
Le jour comme la nuit que hantent les hiboux.
L’obscurité s’enfuit d’une porte béante
Et l’on perçoit parfois le bruit des contrevents
Claquant contre les murs et l’enseigne grinçante
Apporte aux visiteurs la notion du temps.
Du temps qui s’est enfui ne laissant que la trace
De tous les habitants morts, disparus depuis,
Qui vécurent heureux à cette même place
Et dont les souvenirs, hélas, se sont enfuis.
Le fier panache blanc sortant des cheminées,
Symbole de la vie et l’âme des maisons,
Ne s’en échappe plus voilà bien des années :
Dans l’âtre refroidi sont éteints les tisons.
DESERT MEDICAL
Autrefois nous pouvions faire appel au docteur
Qui venait, sans tarder, à notre domicile
Et, quand retentissaient le bruit de son moteur,
Ses pas dans le couloir, tout paraissait facile.
Toujours prêt à servir, attentif, scrupuleux
On ne voyait en lui que le toubib, pas l’homme
En l’appelant la nuit sans être soucieux
S’il sortait de son lit en abrégeant un somme.
L’âge d’or se termine et l’effectif restreint,
Du nombre des docteurs vivant à la campagne,
Nous rend moins exigeants, personne ne se plaint
Mais petit à petit l’inquiétude gagne.
De plus en plus de gens devant son cabinet
Sont assis patients dans la salle d’attente
Quand lui, levé dès l’aube et pourtant guilleret
Auscultera chacun jusqu’à la nuit tombante.
Nous comprenons très bien le manque de confort
Dans une activité dont dépend notre vie.
Heureusement, certains élus font un effort
Pour enfin mettre un terme à cette pénurie.
FUNERAILLES
A partager la peine ils se sont engagés,
Les voilà réunis, dans les moments pénibles,
Pour vivre la douleur des parents affligés
Lorsque le malheur frappe en les prenant pour cibles.
Pour se rendre à l’église, ils ont fait un effort
Tous ces vieillards chenus et rabougris par l’âge
Et, d’une marche lente accompagnent le mort.
Bientôt viendra leur tour de quitter le village.
Le prêtre trouvera le discours souverain
Apaisant l’âme en feu ; sa voix, comme une amie
Sait prononcer les mots qui rendent l’air serein
Et les cœurs douloureux retrouvent l’accalmie.
Chacun courbe la tête et s’en remet à Dieu
Qui seul peut faire don du bien, de la souffrance.
La foi les réconforte, ils quitteront ce lieu
Avec l’apaisement que donne l’espérance.
LA BERGÈRE
L’après-midi s’achève et le soleil décline,
Les moutons turbulents dévalent la colline.
Le chef est sûr de l’heure où la bergère vient,
Il se met à courir sans attendre le chien.
D’un geste machinal, elle ouvre la barrière,
Des centaines de pieds soulèvent la poussière
Elle forme un nuage annonçant au lointain
Le retour du troupeau dans un bruit indistinct.
Le conducteur ne voit qu’un bout de drapeau rouge
Avant d’être assailli par la masse qui bouge.
Un brusque coup de frein, celle-ci va s’ouvrir
Comme une vaste gueule et bientôt l’engloutir.
Après l’arrêt causé par la troupe bêlante,
Il reprend le volant, d’une allure plus lente.
Il jette avec regrets dans le rétroviseur
Un œil sur la bergère et s’en va, l’air songeur
LUTTONS CONTRE LE CANCER
Pour combattre ce mal qui répand la terreur,
Tous ensemble luttons, participons en chœur
Sachant que les chercheurs ont besoin de notre aide,
De nos généreux dons, pour trouver un remède.
Nous devons nous unir, œuvrer à l’unisson
Seul nous ne pouvons rien, ensemble nous vaincrons.
Nous avons tous pleuré la mort d’un ami cher
Ou celle d’un parent victime du cancer,
Nous étions impuissants à calmer leur souffrance.
Et si nous voulons voir renaître l’espérance
Mobilisons-nous tous parce qu’un prochain jour
Si nous n’agissons pas ce sera notre tour.
Ce mal frappe au hasard quand on ne l’attend pas,
C’est un gouffre béant qui s’ouvre sous nos pas.
Pensons à ces enfants ne demandant qu’à vivre,
Qui souffrent, espérant que la mort les délivre.
Pourrons-nous supporter plus longtemps leur regard ?
Donnons-leur un atout pour un nouveau départ.
NAISSANCE D’UN POÈME
Sous un brouillard épais, dans le gel du matin,
Secoués de sanglots, les arbres du jardin
Versent des larmes d’or sur le tapis de mousse.
Et, sur l’un des rameaux,
L’unique feuille rousse
Servira d’asile aux moineaux.
La chape de ciel gris qui rend les gens moroses,
Me réjouit autant qu’un beau bouquet de roses ;
Ce temps triste et maussade éveille mon émoi
Et, souvent je m’étonne,
Tout en restant chez moi,
De renaître quand vient l’automne.
Bientôt l’espace vert entourant la maison
Sombre dans le sommeil de la morte saison.
La tondeuse, au repos, s’endort dans le garage
Et ses ronronnements,
Familiers au village,
Vont se taire jusqu’au printemps.
En suivant du regard l’arbre qui se balance,
Je me plonge en état de rêverie intense,
Un pendule n’aurait jamais pu faire mieux :
Un retour sur moi-même.
Et, quand j’ouvre les yeux,
J’ai trouvé les mots d’un poème.
SEPARATION
Je sens dans ton regard un reste de tendresse
Pour l’ombre du passé qui devant toi se dresse ;
Non, tu ne l’aimes plus, tu le quittes, pourtant
Tu ne penses qu’à lui sans cesser un instant.
Tu laisses quelque part plus d’une décennie
Faite de jours heureux, de ceux que l’on renie
Pour se dire, après tout, qu’on a bien des raisons
De désirer partir vers d’autres horizons.
Espérant son appel, le soir, au téléphone,
Nonchalamment ta main sur le papier griffonne
Et sans aucun effort, c’est son nom que je lis
Par-dessus ton épaule au sein des gribouillis.
Alors qu’entre vous deux un abîme se creuse,
Tu ris au bout du fil, tu me parais joyeuse
Comme l’enfant qui voit s’éloigner le danger
Et qui, de l’épouvante espère se venger.
Serait-ce le début d’une histoire nouvelle
Mais qui se promettrait d’être encore plus belle ?
Sans le savoir, avant, tu n’aimais qu’à moitié ;
Le coup de foudre passe, il reste l’amitié.
LE JARDINIER
Solitaire, affairé, le jardinier travaille
Accroupi sur le sol sous un chapeau de paille
Il semble l’épiler de ses doigts engourdis
En arrachant chiendent, liserons, herbes folles
Insensible au soleil tombant sur ses épaules,
Les ongles noirs de terre il nettoie un semis.
Sur son front en sueur sa main passe et repasse
Mais ce geste fréquent sur lui, laisse une trace
Car il n’a pas le temps de sortir son mouchoir
D’une étoffe à carreaux de sa poche béante.
Quand il trouve soudain sa tâche fatigante,
Sur son arrière-train son tronc se laisse choir.
Qu’importe si la boue a souillé sa figure,
Il aime le contact avec Dame Nature
Qu’il serre sur son cœur, qu’il implore à genoux,
Qu’il gave de fumier, que le soir il arrose
Avec beaucoup d’amour et l’art d’un virtuose
Afin qu’elle lui donne ail, petits pois et choux.
Il lui parle tout bas et sans aucune honte,
Personne ne saura jamais ce qu’il raconte…
Rouge, la tête en feu, le dos, les reins meurtris,
Les fourmis dans les pieds le rappellent à l’heure,
Et le jardinier, las, se dit en sa demeure :
Il faut savoir souffrir pour avoir des radis !
LE POÊTE MALHEUREUX
Quelquefois le poète, un être solitaire
Dans un groupe bruyant est le seul à se taire
Il nous paraît absent,
Eloigné du présent.
Si sa bouche parfois peut nous sembler muette
C’est parce que les mots lui trottent dans la tête.
Ses pieds touchent le sol et son esprit le ciel ;
Pour composer ses vers il se nourrit de fiel.
Il va tremper sa plume
Dans l’encre d’amertume.
Mais il est dépassé par l’envol de ses mots
Qu’il ne contrôle plus, sa hargne coule à flots.
Le poète est pourvu d’une âme trop sensible,
Il reçoit droit au cœur, qui le prennent pour cible,
Les travers de son temps
Trop souvent révoltants.
C’est avec du venin qu’il écrit un poème.
Dans sa quête d’amour il vaudrait mieux qu’il s’aime
Et ferme un peu les yeux
Pour vivre plus heureux.
BOIRE OU CONDUIRE ?
Croyant les retrouver, il leur dit au revoir,
Quelques mots rituels, la bise symbolique ;
Il agita la main, sans même s’émouvoir.
La voiture partit d’une allure énergique.
La maison des amis s’éloigne à l’horizon,
Sur un fond musical, il remonte la glace,
Il reprend ses esprits troublés par la boisson
Et, sans voir le compteur, sur le siège, il se tasse.
Grisé par la vitesse, il somnole au volant
Et se laisse bercer. Mais, survient un virage.
Il réagit ! Trop tard, d’un geste violent.
Contre un arbre il s’écrase après un dérapage.
Comme il est sain et sauf, épargné par le sort,
Les gendarmes diront d’une mine sévère :
« Il ne faut surtout pas jouer avec la mort
Ne prenez plus la route après un dernier verre ».
ERREUR DE JUGEMENT
Ai-je eu tort d’envier, d’admirer une amie
Pour sa façon d’agir, pour son autonomie,
Son teint, la beauté de ses yeux,
Pour son intelligence… Elle avait tout pour plaire,
Elle était un modèle, une femme exemplaire
Ainsi j’ai souhaité la connaître un peu mieux.
Le désir bien souvent naît de la différence
Qu’un regard sur soi-même a mis en évidence,
Sensation d’inachevé.
Le miroir renvoyait l’image négative
Que je forgeais de moi, je m’en sentais captive
Avec un ressenti d’infériorité.
Bientôt je découvris ce que cache un sourire,
Il remplace des mots difficiles à dire
En offrant l’aspect du bonheur.
Je voyais maintes fois rayonner son visage
Mais lorsque j’en appris sur elle davantage
Je décelai combien le masque était trompeur.
Celle qu’à chaque instant je trouvais admirable
En silence souffrait de ce mal incurable
Qui nous mène droit au tombeau.
Je conserve en mon cœur la fille courageuse
Qui m’attirait si fort. Mais dois-je être honteuse
Si depuis je me sens beaucoup mieux dans ma peau.
MON FILS
Comme je t’ai vu fier quand tu mis dans mes bras
Ce menu corps fragile aux membres délicats,
Aux immenses yeux bleus dévorant le visage,
D’un bleu clair et serein comme un ciel sans nuage.
De même qu’un expert contemple une œuvre d’art,
J’observais sans pouvoir contenter mon regard
La forme des sourcils nettement dessinée,
La merveilleuse bouche ardemment animée.
Et je n’ai pas cessé de faire l’examen
Des minuscules doigts d’une petite main,
Effilés, tout menus, faits pour les pierres fines,
De gracieuses mains déjà si féminines.
Je n’ai rien éprouvé qui soit plus émouvant
Que l’heure où tu m’offris ta fille, mon enfant,
Car le jeune garçon qui gambadait naguère
Ce jour-là devenait de ce bébé, le père.
J’ai pensé tout à coup aux beaux jours révolus
Et qu’à moi désormais tu n’appartenais plus.
Ma douleur à la joie ainsi s’était mêlée
Mais face à ton bonheur, je me suis consolée.
PASSANTS
Vous, qui passez par-là, comprenez les douleurs
Que l’on peut éprouver à perdre ceux qu’on aime ;
Pour nos morts nous n’avons plus qu’à verser des pleurs
Ou mettre sur leur tombe un pot de chrysanthème.
Nous sommes affligés, chacun à notre tour :
La perte d’un mari, d’un père ou d’une mère
Dont l’absence se fait plus lourde chaque jour
Nous rend si malheureux qu’on ne sait plus que faire.
Si tu passes par-là, quand tu liras ces mots
Ô ! Passant, ne crois pas qu’il suffise d’écrire
Pour abréger ma peine et soulager mes maux.
Même si quelquefois je parviens à sourire,
La blessure est toujours présente dans mon cœur.
L’ÉTOILE
Voulant réaliser un rêve de gamin
Qui croyait que le ciel est une immense toile,
Pensant qu’il suffisait de déployer la main,
Naïve, j’ai voulu décrocher une étoile.
Quel désappointement lorsqu’un nuage noir
En l’éclipsant soudain m’enlevait tout espoir !
Alors je m’endormais en rêvant de comète,
De lune et de soleil ou d’astres fabuleux.
Et, pour ne pas quitter ce monde nébuleux
Un jour, j’ai résolu de devenir poète.
Les étoiles sont là, très hautes dans le ciel,
Lorsque je tends la main pour saisir la plus proche,
A l’éclat aussi vif que celle de Noël,
Elle s’évanouit, s’enfuit à mon approche.
Je ne me soumets pas à la réalité
Qui ne m’offre souvent que de l’austérité.
J’ai beaucoup voyagé, vu d’autres paysages,
A mon gré j’ai tout fait pour changer d’horizon.
Ne se laissant jamais guider par la raison
Mon esprit est toujours resté dans les nuages.
POUR SUZETTE
Dans la cour du couvent, sous le grand marronnier,
A l’âge où nous portions des rubans sur la tête,
Tu jouais avec nous au ballon prisonnier.
C’était la mode, aussi, de nos prénoms en ette.
Les sœurs nous ont donné pareils enseignements,
Nous avons fréquenté toutes la même école,
Dit mêmes oraisons, entonné mêmes chants
Obéissant toujours sans dire une parole.
Puis nous sommes passés par différents chemins
Et tu choisis le tien pas toujours très facile
Prenant la succession de tes parents en mains
Au lieu de t’en aller comme d’autres en ville.
Le lien qui nous unit, n’est pas un lien secret
Mais nous n’en connaissons pas toujours l’importance.
Lorsqu’une d’entre nous, aujourd’hui disparaît
Elle emporte à jamais un peu de notre enfance.
Nous étions toutes là, compagnes d’autrefois,
Pour te suivre jusqu’à ta dernière demeure.
Ce modeste poème où s’unissent nos voix
Prouve que malgré tout notre amitié demeure.
TRISTESSE
Mars, de retour, m’incite à la mélancolie
Evoquant la jeunesse, un lointain souvenir
Que nous aurions voulu tant pouvoir retenir ;
Mais nous voilà tels que l’arbre qui s’exfolie.
Dans un livre j’avais conservé l’ancolie
Témoin du temps où nous parlions de l’avenir,
Où l’amour avait su comment nous réunir.
Cette fleur me rappelle un serment qui nous lie.
La vieillesse est venue, à quoi bon larmoyer ?
Sur notre sort cessons de nous apitoyer
En faisant des douleurs un bien triste étalage.
Surtout si les enfants ne viennent plus nous voir
Ne les obligeons pas en raison de notre âge
A se rendre chez nous par pitié, par devoir.
RECONVERSION
Un jour, elle a laissé son travail d’infirmière
Pour vivre à la campagne avec un éleveur.
Peut-être était-ce là sa volonté première ?
Le changement d’emploi ne lui faisait pas peur.
Délaissant l’hôpital pour une bergerie,
Une ville attrayante et ses activités,
L’amour pour les moutons frisant l’idolâtrie,
Rien ne la retenait chez ceux qu’elle a quittés.
Et toute la journée au travail, quel courage !
S’occuper des agneaux, traire quand vient le soir.
Ah ! Ce n’est pas sans mal qu’on fait de l’élevage !
Désormais elle n’a plus le temps de s’asseoir.
Malgré tout, elle a l’air parfaitement heureuse
Avec le compagnon que son cœur sut choisir.
En elle saluons la femme aventureuse
Qui put trouver sa voie en suivant son désir.
LA PASSION DU LOTO
Une oreille aux aguets, visage imperturbable,
Quelques grains de maïs en guise de jetons,
Absorbés, sans un mot, tous, autour d’une table,
Leurs regards sont fixés sur deux ou trois cartons.
Là, sagement assis, chacun reste immobile.
Qu’ils sont bien dans la salle en ce froid hivernal,
Oubliant les propos qui font monter la bile,
Pour un plaisir réel qui n’a pas son égal.
Quand, du meneur de jeu, la voix rompt le silence,
Quelquefois renforcée à l’aide d’un micro,
Ils prient secrètement pour avoir de la chance
Impatients que sorte enfin leur numéro.
Puis une main se lève, on entend crier » Quine ! »
Toute l’attention retombe à ce moment.
Une dame a gagné, son voisin la taquine
En jetant un coup d’œil sur son panier gourmand.
La plupart, malchanceux, rentreront les mains vides.
Tant pis pour la télé, gigots ou canards gras !
En ce dimanche ils ont noué des liens solides
En rêvant du gros lot qu’ils n’emporteront pas.
JOYEUX ANNIVERSAIRE
Un an de plus, déjà ! L’automne est arrivé
La feuille aux tons dorés que le soleil caresse,
Légère dans le vent tombe sur le pavé
Mais tu gardes toujours le même air de jeunesse ;
Pas un de tes cheveux sur ton front n’a blanchi
Car tu fus épargné bien plus que la nature,
Dans ton regard nulle ombre du moindre souci,
Le miroir te renvoie un reflet qui rassure.
Pour nous rien n’a changé, le temps est impuissant
A briser les liens que notre amour resserre.
Ensemble nous allons descendre le versant
En espérant encore un autre anniversaire.
LE SAIGNEUR
D’une minute à l’autre, on attend le saigneur,
Le cochon dans la soue est de mauvaise humeur,
Ignorant que pour lui, dans la cour, on s’affaire,
Il connaîtra ce jour, la montée au calvaire.
Quand il entend du bruit, que la fermière vient,
Le pauvre condamné ne se doute de rien.
Il va, le souffle court sur ses pattes fragiles
Vers le lieu du supplice à petits pas tranquilles.
On le pousse, on le tient, trop tard ! il a compris.
On l’attache, il résiste en poussant de grands cris.
Puis, bientôt le sang gicle, au fond d’une bassine,
Liquide bouillonnant de couleur purpurine.
Tout s’est réalisé l’espace d’un éclair.
On ne demande pas : « est-ce qu’il a souffert ? »
Sont-ils apitoyés par la bête mourante ?
On l’étend sur la paille et, vite, on l’ébouillante.
Il enlève les poils, le saigneur accroupi
Bien avant que corps ne se soit refroidi.
Il a fendu le ventre, il a coupé la tête,
Il est mort le cochon ! Que commence la fête.
FILLE UNIQUE
Mon rêve le plus cher d’avoir un petit frère
Demeura bien longtemps l’objet de ma prière.
Hélas ! Espoir déçu.
Pourtant avec ferveur, dans ma petite chambre,
Je me revois priant tous les jours de décembre
Mais sans qu’il soit conçu.
Ah ! comme j’enviais mes copines d’école !
J’imaginais le soir la sarabande folle
Des enfants réunis.
Je devais inventer un être imaginaire,
Et je jouais avec une simple chimère
Remplaçant des amis.
Sur ma déception je gardais le silence
Et je ne dévoilais jamais ma peine immense
Encor moins son objet.
Dieu n’avait pas voulu répondre à ma demande.
A présent j’ai vieilli mais, toujours j’appréhende,
Quand j’émets un souhait.
LE DEPART DU CURE
Lorsque subitement la nouvelle est tombée,
Les villageois ont vu leur beau ciel s’obscurcir
Et, ce jour-là, chacun est resté bouche bée
Quand le prêtre leur dit : il me faudra partir.
Traitant avec égard un pauvre, un richissime
Pas de curé meilleur, un prêtre rarissime
Qui les mettait à l’aise, en rien intimidant.
Il les réconfortait aux messes les dimanches
Il ne redoutait pas de retrousser ses manches
L’ami, le père, un confident.
Il ne les quittait pas pour une autre paroisse
Il avait fait son temps, maintenant trop âgé,
Laissant derrière lui ses brebis dans l’angoisse
Il devait obéir aux lois de l’évêché.
Il avait baptisé, porté les morts en terre
Mais malgré sa douleur chacun devait se taire.
Le village aux abois perdait son confesseur.
Le vieux clocher muet cessa son babillage
Et quelques habitants quittèrent le village
Il n’avait pas de successeur.
MA RETRAITE
Lorsque sonna pour moi l’heure de la retraite
Au lieu de paresser, et d’en faire à ma tête
Dans les bras de l’oisiveté
Je suivis mon étoile, elle m’avait choisie
Pour me conduire sur la sphère poésie,
Où j’écrivis en liberté.
Pendant plus de dix ans, dans des décors champêtres,
J’ai fait apprécier les vers de nos ancêtres
Selon les règles de Boileau.
Avec la volonté que les œuvres classiques
Que nous devons garder ainsi que des reliques,
Un beau jour ne tombent à l’eau.
J’ai lu, j’ai corrigé, j’ai renvoyé des textes
Organisant concours qui n’étaient que prétextes
A donner un enseignement.
Si j’ai froissé certains qui, bien souvent refusent
Un conseil, ne suivant que celui de leur Muse,
C’était involontairement.
QUEL AMOUR ?
Elle voulait partir en maison de retraite
Quand elle avait compris qu’elle les dérangeait.
Ils ne lui disaient rien mais, au matin, leur tête,
En la trouvant debout, sans mot dire, parlait.
Elle allait d’un pas vif et se faisait petite,
Tâchant de deviner leur plus secret désir.
Ils la considéraient plutôt en parasite,
Elle gênait alors qu’elle croyait servir.
Refusant de les voir, elle a fermé sa porte
A ses fils au cœur sec, vide de sentiments
Espérant que la mort vienne vite et l’emporte
Avec son souvenir bien loin de ses enfants.
PARLONS-NOUS
Parler du beau, du mauvais temps
Permet de rompre le silence.
Il suffit de quelques instants
Pour que le mur d’indifférence
Acquière de la transparence.
Les mots ravivent un regard
Qui, dans la détresse rougeoie.
Qu’on aborde pluie ou brouillard…
Ce discours apporte la joie,
Grâce à lui le chagrin se noie.
Le vent, la neige ou la chaleur,
Sujet banal, léger, qu’importe
S’il peut mettre du baume au cœur
En permettant d’ouvrir la porte
Aux paroles qui réconfortent.
Mais la déférence aujourd’hui
Tombe-t-elle en désuétude ?
On feint de ne plus voir autrui.
Le mutisme est-il l’attitude
Qui fait naître la solitude ?
JUSQU’AU BOUT DE LA VIE
La jeunesse s’en va, la passion subsiste,
D’un amour éternel nous rêvions, amoureux,
Avec nous le destin se montra généreux
Et je souhaiterais que ses faveurs persistent.
Ton regard caressant me prouve que j’existe.
A présent si nos corps ne sont plus vigoureux,
Il nous reste à passer quelques moments heureux,
A refaire un parcours bien souvent fantaisiste.
Mais à prévoir la fin il faudra consentir,
Sur le sort réservé, ne pas s’appesantir,
La mort, de notre vie est la seule maîtresse.
Si la souffrance impose un combat inhumain,
Si je lis en tes yeux une grande détresse,
Je serai toujours là pour te tenir la main.
L’ISOLEMENT
Qu’il pleuve, vente ou qu’au dehors le ciel soit gris,
Qu’il fasse chaud ou froid, qu’il gèle, peu m’importe,
Je reste dans ma chambre et je ferme la porte
Il fait si bon chez moi que du temps, je souris.
S’accomplissent alors mes rêves favoris,
Légère dans le vent comme la feuille morte,
En un monde irréel soudain je me transporte
Derrière ma fenêtre on dirait que j’écris.
Mon esprit en délire à la fois chante et pleure
Le plaisir de pouvoir s’isoler à son heure,
Bonheur dont il paraît n’être jamais repu.
On frappe à mon carreau, ma fièvre s’est enfuie ;
Est-ce un volet qui claque ou le bruit de la pluie ?
J’espère encore. On vient, et le charme est rompu.
DERNIER CHOIX
Pourquoi ne pourrait-on pas choisir notre mort
Pour quitter l’existence à peu près sans effort
Quand notre pauvre corps pris par la maladie
N’a plus que quelques jours à goûter à la vie,
Quand les yeux du mourant implorent d’en finir
Qu’il ne peut plus parler, qu’il ne peut que gémir
Qu’il n’est plus qu’un objet sur un lit de souffrance
Sans pouvoir couper net le fil de l’existence.
Alors, pour les parents, n’est-ce pas inhumain
De le voir seul se battre et de ne faire rien,
D’assister impuissant à son dernier calvaire
Alors qu’ils pourraient bien exaucer sa prière.
Allons-nous obtenir enfin la liberté
De pouvoir quand on veut gagner l’éternité ?
LA VENGEANCE DES FLEURS
Il était une fois un homme compétent
Qui possédait le don de soigner chaque plante
En sachant leur parler d’une voix douce aimante.
Mais ce bon travailleur mourut par accident.
Très vite le jardin tel un champ de bataille
A l’herbe folle avait laissé son libre cours
Les fleurs très en colère appelaient au secours
Le jeune remplaçant ne faisant rien qui vaille.
Sur une chaise assis à l’ombre des lilas
Il préférait bien sûr fumer sa cigarette
Sa fumée irritant les beaux pieds d’alouette.
Sans rien faire il semblait toujours être très las.
Hélas ! du jardinier il n’a pas la vaillance
Ni l’esprit travailleur, ni le sens du devoir
Agissant à son gré du matin jusqu’au soir
Alors pour le punir que la fête commence. !
Bientôt le liseron lui fit des croche -pieds
La rose lui piqua les doigts de ses épines
Puis la gueule de loup releva ses babines
En laissant s’échapper des guêpes par milliers !
Tous ces désagréments vite le découragent
Il voulait un emploi pour gagner de l’argent
Mais puisque le jardin devient trop exigeant
Il préfère partir pour s’inscrire au chômage !
CAUCHEMAR D’UN PÈRE NOËL
Le soir, comme il se doit, la neige était tombée ;
Le sapin se dressait au centre du salon.
Pour réchauffer la pièce, une belle flambée
Dont les flammes rendaient vivante la maison.
Derrière la fenêtre, au dehors, se devinent
Les flocons qui vont faire un moelleux tapis,
Noël va se geler, s’enrhumera, tant pis !
La guérison viendra par la grâce divine.
Les enfants endormis semblent faire un beau rêve
Imaginant déjà qu’ils ouvrent leurs cadeaux.
Ils ont prié bien fort pour que la nuit soit brève.
Mais, un frémissement derrière les rideaux…
Une ombre qui s’agite annonce une présence
Qui se meut dans le noir, avance à petits pas.
Lorsque soudain, alors, qu’on ne l’attendait pas
Un aboiement féroce a rompu le silence.
Père Noël, c’est lui, tire sur sa tenue
Qui se déchire en deux entre les dents du chien.
Dans sa barbe il grommelle, il rouspète, éternue,
Se maudissant d’avoir un excellent gardien
Car, le brave Médor, n’a pas flairé son maître
Avec barbe et bonnet ; dans cet accoutrement,
Celui-ci lui fait « chut ! Tais-toi ! » Sévèrement ;
Le chien grogne toujours avant de se soumettre.
Père Noël entend les enfants dans leur chambre,
Les aboiements du chien les auront réveillés.
Il court pour se cacher, glisse et se rompt un membre,
Renversant le sapin, cadeaux éparpillés.
La lumière se fait, les enfants apparaissent
En pleurs, déçus sans rien comprendre à ce bazar…
Dans son lit un papa sort de son cauchemar.
La veille de Noël, combien de pères stressent !
LA PEUR DE L’AUTRE
Observez ces passants qui marchent sans se voir,
Allant comme des sourds, muets, sans s’émouvoir,
Indifférents à tout, dont la froideur déroute.
Ils vont, tête baissée en fuyant les regards,
Evitant le contact, s’entourant de remparts,
Spectres silencieux suivant la même route.
La crainte et la terreur tisseront leurs linceuls.
Par milliers, dans la foule, ils se retrouvent seuls
Yeux mi-clos, pour voiler le miroir de leur âme.
Se défiant d’autrui, chacun vit dans son coin
Courant après le temps qu’il voit filer au loin !
Cette façon d’agir mérite-t-elle un blâme ?
.
CHER BIBELOT
« Dis-moi donc, aujourd’hui, pourquoi cet air chagrin,
Les yeux rivés au sol sur une balancelle ?
Sur ta peau de velours une larme ruisselle
Scintillant ainsi que la perle en son écrin.
Les cheveux agités par le souffle marin,
Tu me brises le cœur, ta peine m’ensorcèle ;
Au fond de ton regard, pas la moindre étincelle,
Aucun signe vital de l’idole d’airain.
Ton ombre sur le mur va, revient en cadence
Quand dans mon rocking-chair, déesse à toi je pense,
Tellement fort parfois que j’en perds la raison.
Je redoute surtout que l’on brise ou m’enlève
Ce bibelot si cher, l’âme de la maison,
La femme que je vois s’éveiller dans mon rêve.
BIENTÔT LE DEPART
Il faut s’accoutumer vite à la solitude
Avant que le conjoint repose en un linceul,
Quand le moment viendra vous aurez l’habitude
Dans le vaste logis, d’errer et d’être seul.
Habituez-vous vite à vivre sans la femme
Que votre cœur choisit quand vous aviez vingt ans,
Qui vous rendit heureux et qui va rendre l’âme
Vous léguant ses travaux pour occuper le temps.
Ne soyons pas surpris si la mort vient nous prendre.
Donnons à son visage un aspect familier,
Ne craignons pas surtout de voir sa main se tendre
Vers l’un de nous, mais qui s’en ira le premier ?
L’ESTHẺTICIENNE
L’esthéticienne ? Une artiste
Parce que son travail consiste
A rendre un visage plus beau
En maquillant chaque défaut,
Les boutons en tête de liste.
Un peu comme l’aquarelliste,
Ou plutôt une pastelliste
Elle se sert de son pinceau
L’esthéticienne.
Aucun travers ne lui résiste,
Un laideron, s’il en existe
A la façon de Mirabeau,
Sort avec un charme nouveau.
Serait-elle illusionniste
L’esthéticienne ?
LE JARDINIER RÂLEUR
On le voit s’acharner contre une mauvaise herbe
Dans le lopin de terre entourant sa maison
A pas pressés, il va dans son jardin superbe
Soigner avec amour ses fleurs et son gazon.
Il chasse les moineaux picorant les groseilles,
Tous les audacieux effeuillant ses œillets,
Il poursuit sans répit la taupe qui sommeille
Et garnit son terrain pour elle de collets.
Il guette l’écureuil convoitant les noisettes,
La limace qui veut dévaster ses fraisiers.
Aura-t-il pitié des pinsons et fauvettes
Désertant les buissons pour ses beaux cerisiers ?
Si l’orage survient, il souhaite qu’il fuie,
Lorsque le ciel est gris, il voudrait du beau temps,
Mais, quand il fait trop chaud il réclame la pluie.
Il vit pour son jardin quand revient le printemps.
VILLAGES EN PÉRIL
Vieux villages parés de vos beautés sereines,
Silencieusement, vous mourez par centaines,
Et depuis quelques temps vos clochers sont muets,
Seul le vent quelquefois fait battre les volets.
Les murs de vos maisons sont comme des visages,
Brunis, ratatinés donnant aux paysages
L’image d’une France agreste qui se meurt,
D’une vie amoindrie et s’échappant sans heurt.
Ces joyaux du passé noyés dans la verdure,
Patrimoine si cher, fond de notre culture
Ne sont pas comme tels, encore découverts,
Car pour goûter leur charme, il faut des yeux d’experts.
Certains ne voient en vous que masures en ruines
Prêtes à s’écrouler, lugubres sous les bruines,
Aveugles aux secrets, courant sur les pavés,
Indifférents aux gens qui sont ici passés.
Nos villages français offrent tant de richesse
Qu’il faudrait bien un jour leur rendre leur noblesse.
Faisons tous un effort, évitons leur trépas,
Si notre passé meurt nous ne survivrons pas.
LA BELLE JARDINIÈRE
(Pour Jeanine)
Dès les premiers beaux jours quand le week-end arrive,
Elle ouvre le portail de la vieille maison,
La dame aux blonds cheveux, dans le jardin, s’active
Sans jamais rechigner pour tondre le gazon.
Et, face à son combat contre les herbes folles,
Le lierre et le chiendent cessent leurs farandoles
Ils n’auront qu’à bien se tenir.
Avec le sécateur, elle coupe, elle taille
Les rameaux délurés qui se livrent bataille,
Les broussailles, bientôt, ne sont qu’un souvenir.
Elle connaît les soins qu’exige chaque plante
Et leur lieu favori, dans l’ombre, au pied d’un mur.
Elle sait leur parler d’une voix douce, aimante,
Redresse une corolle, agit d’un geste sûr.
Les rosiers en hiver ont rentré leurs épines
Et se sont alliés aux douces églantines
Pour offrir leurs cynorhodons.
L’odorant chèvrefeuille à son support s’attache
Tandis que la pivoine agressive se cache
Lorsque vient dans le ciel l’essaim de faux bourdons.
Afin de célébrer la belle jardinière
Qui montre de l’amour à l’ensemble des fleurs,
Les hôtes du jardin, chacun à leur manière,
S’en vont rivaliser de formes, de couleurs.
Et le lilas répand son parfum dans l’allée
Comme pour embaumer, d’emblée,
La maîtresse des lieux et nouveaux arrivants.
Le muguet odorant se dresse sur sa tige,
Activant son odeur qui donne le vertige
Et c’est toujours ainsi quand revient le printemps.
RENTREE DES CLASSES DE NOËL
Le professeur revient, car voici la rentrée
Sans voir sur le bureau de vœux de bonne année ;
Il a comme toujours, légèrement pâli.
Lorsqu’il était l’enfant délicat, bien poli
Il ne manquait jamais d’apporter à son maître
Plus tard, au professeur, une petite lettre,
Une carte de vœux pleines de mots touchants
Ainsi que le faisaient jadis tous les enfants.
Nos jours ont vu la fin des marques de tendresse,
On ne l’écoute plus, c’est lui que l’on agresse,
Tout seul contre vingt-sept, sans espoir de renfort,
Un taureau dans l’arène avant la mise à mort.
Mais il avalera sa tristesse en silence
Il doit durcir son cœur pour que le cours commence.
FIN DE VIE
Assise en son fauteuil, la frêle silhouette
Sur son menton tremblant laisse tomber sa tête
On dirait qu’elle dort.
Dans le regard éteint de ses yeux sans lumière
Une flamme se meurt, serait-ce la dernière
Prémices de la mort ?
Plus aucun sentiment ne se lit sur sa face,
Une peau diaphane à la froideur de glace
Accentue un réseau de veine violet
Où, malgré l’anémie
Se devine la vie
Car le sang se faufile en un flot maigrelet.
Son corps indifférent que l’esprit abandonne
S’agite quelquefois quand la bouche fredonne
Un air du temps passé.
On attendait un mot ou peut-être une phrase
Plus qu’un regard dément, un sourire d’extase…
L’espoir s’est effacé.
On l’entoure de soins, on l’aime, on la protège
On souhaite embrasser ses beaux cheveux de neige,
On voudrait l’obliger à faire quelques pas,
La rendre à l’existence
Nier notre impuissance
A lutter contre un mal qui ne pardonne pas.
L’ART FLORAL
(Pour Michèle Vis)
Une petite fleur secrètement rêvait
De se trouver un jour au milieu d’un bouquet.
Elle pensait n’avoir pas assez d’élégance
Ou comme l’orchidée un brin d’extravagance.
Le parfum du lilas qu’elle enviait souvent
Et celui du jasmin, du muguet, envoûtant
Accroissaient son complexe et ses couleurs trop pâles
N’incitaient pas l’abeille à goûter ses pétales.
Morose elle voyait venir les lendemains,
Car la fleur éprouvait des sentiments humains.
Un matin de printemps qu’elle était endormie,
Dans son profond sommeil, notre fleur fut cueillie.
Dans la salle « Pour Tous » elle se retrouva
Pour le cours d’art floral qu’on donne à Réquista.
Très surprise la fleur, la corolle entrouverte,
Vite oublia sa peur quand une main experte
Lui rallongea la tige avec du fil de fer
Et lui fit une place à côté d’un aster.
Elle qui n’avait pas le fuseau de la rose,
Parmi les belles fleurs se sentit toute chose.
Et c’est ainsi que grâce à ce club d’art floral,
Qui chaque mois révèle un talent sans égal,
Une petite fleur réalisa son rêve
Et dans un bouquet rond son histoire s’achève.
LE TAXI
Le chauffeur de taxi n’est pas libre longtemps.
Il voudrait bien répondre à l’appel des passants
Qui lui font signe dans la rue,
Au ras de la chaussée, en dehors du trottoir
Se bousculant surtout lorsque tombe le soir,
Sans peur d’affronter la cohue.
L’un d’eux s’immobilise et, dans un soubresaut,
Les gens se bousculant se lancent à l’assaut.
Il reste au volant, impassible.
Sur la banquette arrière ils se sont installés,
Les détails de la course et de son but, fixés
Le compteur peut tourner, infaillible.
Il jette des regards dans le rétroviseur
Observe les clients, l’air interrogateur
Mais en connaisseur il devine,
Se trompe rarement dans son diagnostic,
En montrant de l’adresse au milieu du trafic,
Rapidement leur origine.
Dans les heures de pointe il faut parfois longtemps
Pour, d’un pouce, avancer dans les encombrements.
Allègrement, il se faufile
Loin du calme apporté par le milieu rural,
Indifférent à tout car il trouve normal
L’agitation de la ville.
LA RIVIÈRE
Crue du Giffou 1999
Tranquille, elle serpente en rivière bien sage,
Communiquant la vie à ce beau paysage
Où partout retentit son bruissement joyeux,
Le miroir de ses eaux prend le reflet des cieux.
Les amoureux souvent viennent conter fleurettes
Sur le chemin moussu semé de violettes,
Il est le rendez-vous de nombreux promeneurs
Tandis que les poissons attirent les pêcheurs.
L’automne est arrivé, soudain, l’orage éclate,
Les ruisselets voisins comme des mille pattes
Viennent se déverser, grossissant le cours d’eau
Dont anormalement s’élève le niveau.
Tout à coup, il déborde et se met en colère,
On ne reconnaît plus la gentille rivière
Ne charriant bientôt que des troncs arrachés ;
Et des tas de cailloux s’étalent dans les prés.
« Rivière tu n’es plus désormais notre amie
Même lorsque viendra le temps de l’accalmie
Car tu fis le malheur de tous les riverains,
Te conduisant en traître en causant leurs chagrins.
TEMPS DE CHIEN !
Le rideau de la pluie obscurcit la rivière ;
« Aujourd’hui c’est fichu, pas de truite meunière »,
Grommellent furax les pêcheurs !
Malgré le capuchon, bottes, imperméable
Ils n’affronteront pas l’averse redoutable,
Alors, pour se distraire, ils chercheront ailleurs.
Les teignes sont en fête et restent dans leur boîte,
Dos à dos, car elle est de plus en plus étroite
C’est mieux que de servir d’appâts !
Elles ne verront pas venir la bouche ouverte
Une truite gourmande et qui court à sa perte
En voulant la saisir pour faire un bon repas.
Le pêcheur se morfond derrière la fenêtre,
Il espère toujours voir le soleil paraître
Pestant contre le temps pervers.
Devant l’ordinateur il fait des réussites
Ou bien sur Internet il consulte des sites
Tandis que le poète écrira quelques vers.
LE RÔDEUR
Une brise légère agite le feuillage
Où l’oisillon s’est endormi
Le voile du couchant s’étend sur le village
Qui somnole à demi.
Les nuages rosés se teintent d’un bleu sombre
Aux derniers rayons du soleil
Et soudain les couleurs se noient dans la pénombre
Pour un très court sommeil.
Puis là-haut dans le ciel une étoile s’allume
Et minuit sonne au vieux clocher ;
Un pas furtivement caresse le bitume
Qui peut ainsi marcher ?
Sur la place déserte une ombre qui progresse
Vient de s’approcher d’un camion
Il lui faut peu de temps oui, mais beaucoup d’adresse
Pour remplir son bidon.
Forcer un réservoir, en soutirer l’essence
Lui paraît être un jeu d’enfant ;
On pourrait imputer à cette malveillance
Le prix du carburant.
LE NOMADE
Un gros nuage noir qui s’annonce au lointain
Tintinnabule et très rapidement s’avance,
A cette heure où déjà la brume du matin
Teinte de sa pâleur l’espace de silence.
Ce n’est rien qu’un troupeau mené par un berger,
Géant au corps voilé de simples cotonnades ;
De cette mer de brume il paraît émerger
Généralement seul comme tous les nomades.
De son pas langoureux, sans s’arrêter, il va,
Vagabond d’autre temps, de la Mauritanie,
Ni las, ni fatigué, conduit par Jéhovah
Vassal de son troupeau bientôt à l’agonie.
Ni pré, ni pâturage en ce vaste univers
Erodé par les vents ; jamais chemin ni sente.
Sentiment d’éternel qui, pour motifs divers,
Verse en nous cet attrait qui toujours nous enchante.
JAMAIS CONTENTS
Quand pendant plusieurs jours la pluie a déversé
Sur nous des torrents d’eau qui font couler nos larmes
Emportant avec eux le rêve caressé
D’échapper à l’hiver, de retrouver les charmes
D’un automne furtif et déjà trépassé,
Les uns sont désolés, une autre se lamente :
« Allons-nous revoir le soleil
Et retrouver un teint vermeil,
A la terrasse d’un café, siroter un verre de menthe ? »
Quand le goût du confort domine la raison,
Que la soif du plaisir fait taire la sagesse,
Nous aimerions n’avoir qu’une seule saison ;
Nous choisirions l’été malgré la sécheresse
Qui nous tarit les puits et brûle le gazon.
Personne n’a jamais satisfait notre envie,
Nous ne sommes jamais contents
Et nous pestons contre le temps
Alors que nous avons la chance d’être en vie.
QUERELLES DE VOISINAGE
Sur le mur la mousse s’agrippe,
L’habille d’un vêtement vert,
Le lierre aussi participe.
Sur le mur, la mousse s’agrippe.
Ce beau tissu que le temps fripe
Est l’aire de jeu d’un pivert.
Sur le mur la mousse s’agrippe,
L’habille d’un vêtement vert.
Aucun grillage ne l’arrête,
Elle passe chez le voisin
Qui fait une drôle de tête.
Aucun grillage ne l’arrête,
Furtivement, elle s’apprête
A pulluler dans son jardin.
Aucun grillage ne l’arrête,
Elle passe chez le voisin.
Ce n’était qu’une négligence,
Elle fit naître un désaccord.
Désormais, règne le silence.
Ce n’était qu’une négligence
Pour empoisonner l’existence
De deux voisins jusqu’à leur mort.
Ce n’était qu’une négligence
Qui fit naître le désaccord.
Les querelles de voisinage
Souvent tiennent au mur moussu.
Si vous faites du jardinage,
Les querelles de voisinage
De ce loisir sont l’apanage.
Vous l’apprendrez à votre insu.
Les querelles de voisinage
Souvent tiennent au mur moussu.
LES SUPERACTIFS
Où sont passés les enfants sages
Chérubins des livres d’images
Qui se gardaient de mal agir
Sachant qu’on pourrait les punir ?
On n’en voit plus dans nos parages.
Mais, autres mœurs, autres usages.
Le grand-père dit : « Quels sauvages !
Dans une plainte, en un soupir,
Où sont passés les enfants ! »
Les parents cèdent aux chantages,
Ils y trouvent des avantages.
Pour ne pas troubler leur loisir
Vont-ils quelquefois s’enquérir
Des rejetons seuls sur les plages :
Où sont passés les enfants ?
PAUVRE ENFANT DU DÉSERT
Au pays du ciel sans nuage
Où l’homme ne devient pas vieux,
Dans l’univers que rien n’ombrage
Oui, c’est là qu’il ouvrit les yeux.
Partout le sable et la rocaille,
Des plateaux battus par les vents,
Les êtres que la faim tenaille
Ressemblent à des morts vivants.
Dans cet endroit où rien ne pousse,
Du reste du monde à l’écart,
Dévorant presque une frimousse,
Des yeux attirent le regard.
C’est un pauvre petit squelette
Dont les os transpercent la peau.
Quel havre le destin lui prête
Est-ce une tombe, est-ce un berceau ?
D’une larme il se désaltère
C’est un souffle qui le nourrit
Sous l’œil impuissant de sa mère
Au sein depuis longtemps tari.
Il n’a connu que la souffrance
Du lever du jour au coucher.
La mort sera sa délivrance
Elle ne peut l’effaroucher.
On voudrait que cet enfant crie
Que sa voix monte du désert.
Il meurt à l’aube de la vie
Mais il a déjà trop souffert.
LA DEPRIME AUTOMNALE
Par un matin d’octobre un voile de brouillard
A recouvert le bourg comme une écharpe immense ;
Il se déroule ainsi qu’un immense étendard,
Il étouffe les bruits, fait naître le silence
Et la morosité de l’automne blafard
Qui, chez les gens grincheux n’a pas d’équivalence
Et donne le cafard.
L’absence de soleil provoque la déprime,
Ils vont se replier et s’isoler chez eux
Silencieux, muets mais leur humeur s’exprime
Contre leur entourage et le ciel nuageux.
Chacun se considère ainsi qu’une victime
Dans l’inactivité, pelotonné, frileux
En baisse de régime.
Cette saison agit sur les comportements
Et l’heure d’hiver rend parfois l’esprit stérile ;
Un manque de sommeil et des troubles latents
Sont les facteurs, hélas d’une attitude hostile
Chez les inadaptés aux changements de temps ;
L’automne pour certains s’avère difficile
S’il faut rester dedans.
NOUVELLE UNION
Un couple se refait, nouvelle expérience…
Ces deux êtres s’aimant ont voulu tout quitter,
Leur femme, leur mari pour une autre existence
En croyant que l’amour va leur faire oublier
Celle ou celui dont ils regretteront l’absence.
Au début tout est beau, mais bientôt chacun pense
Aux enfants qu’ils devront désormais partager,
Ne voir que le week-end, quelques jours aux vacances
Il fallait réfléchir avant de s’en aller
Car la réalité n’est pas celle qu’on pense.
SALE DIMANCHE
Le pêcheur patient assis sur une souche
Surveille son flotteur, hélas, pas une touche,
Les poissons ne sont pas venus au rendez-vous,
Pourtant, le fond du lac agité de remous
Révèle leur présence
Et leur inappétence.
Devant le ver, sans mordre, ils passent les filous.
A l’ombre des sapins croissant sur le rivage
Le pêcheur parfois rêve en contemplant l’image
Des nuages, du ciel que reflète l’étang.
Sur le miroir de l’eau quelques poissons d’argent
Viennent faire des bulles
Et des ronds majuscules
Puis prestement s’en vont, du pêcheur se moquant.
Il prend un autre appât, met un plomb à sa ligne…
Mais, aucun changement, faut-il qu’il se résigne ?
Tandis que ses copains ont tous abandonné,
Il persiste, il s’acharne, il est déterminé.
Ah ! Quel sale dimanche
Sans goujon, truite ou tanche !
Il rentrera bredouille et plutôt mal luné….
MAMY
Je ne t’ai jamais vue assise sans rien faire
L’hiver comme l’été qu’importe la saison
Et tu prévois toujours au sein de ta maison
Quelques menus travaux, afin de te distraire.
Tu sais trouver les mots calmant l’anxiété
Tu devines mes peurs et mon moral en baisse,
Mais quel est ton secret pour que l’espoir renaisse
Et que le soleil brille en mon cœur tourmenté ?
Tu conserves pour moi des tas de friandises :
Bonbons et chocolats, confitures, gâteaux.
Je revis mon enfance aux moments les plus beaux
Quand j’allais avec toi cueillir poires, cerises…
Quel immense plaisir de se savoir aimé
De trouver un refuge au cœur de la tourmente !
Tu resteras l’amie et plus, la confidente,
Jusqu’à la fin des temps ma sublime Mémé.
DEVANT UN NU
En face de ce corps, Madame,
Je plonge dans l’immensité
Où je perds à la fois mon âme,
L’esprit devant tant de beauté.
Cette chair qu’on voudrait étreindre
Comment avez-vous pu la peindre ?
Cette déesse à l’abandon
Pointant des seins gonflés de sève
Provient-elle de votre rêve
De votre imagination ?
Mais qu’importe soit le modèle
Et si vous l’avez embelli
Mon admiration est telle
Qu’il me la faut, face à mon lit.
Oui, ce corps parfait, ce teint d’ambre
Je le verrai bien dans ma chambre
Et celle qui me rend nerveux,
Je dirai : ‘la belle endormie’
Partagerait mon insomnie
Alors ce serait merveilleux !
LA DAME AUX OISEAUX
Elle les a quittés dans l’aurore naissante
Ceux qu’elle adorait voir à travers les rideaux
Qu’elle tirait toujours, d’une main frémissante,
Pour ne pas effrayer ses amis les oiseaux.
Elle était attentive à tous leurs faits et gestes
En devinant leur chant qu’elle n’entendait plus.
Comme elle souriait en les voyant si lestes
Malgré leurs petits corps arrondis, bien repus !
……………..
Les oiseaux ont bien vu que ce n’est plus la même
Qui leur donne à manger lorsque vient le matin,
Elle veut leur montrer combien elle les aime
Leur dire merci pour donner vie au jardin.
Ils l’accueillent joyeux dans leur robe de moire
(Cela ferait un très beau sujet de roman !)
Avec eux, je voudrais conserver la mémoire
De celle qui n’est plus, que je pleure : Maman.
LE CLOCHARD
Allongé sur un banc, exposant sa misère,
Un pardessus crasseux, des ongles repoussants,
Le visage barbu, voici le pauvre hère
Qui dort et se nourrit du mépris des passants.
Dans un hall, dans la rue il s’est fait une place
Et s’évade en un rêve empli de cauchemars ;
Le piéton gêné par sa détresse passe
Préférant sur un chien arrêter ses regards.
Ses bras sont l’oreiller pour reposer sa tête,
Il cache son visage au froid rude qui mord,
Mais pour le secourir, personne ne s’arrête
Affectant du dégoût pour un homme ivre mort.
On l’entraîne au foyer, chaque soir il résiste
En refusant l’accueil de la communauté.
Cet être hors du commun, d’un esprit fantaisiste
Faisant fi du confort, aime la liberté.
SEUL, UN CHOIX ?
La Solitude ? Un mal qui cause des ravages,
Quelquefois méconnus,
Sans choisir, elle atteint les vivants de tous âges
Et ne les quitte plus.
Comment donc la combattre ? Il existe un remède :
Savoir ouvrir son cœur,
Vers l’autre s’en aller sans attendre aucune aide
Pour unir son malheur.
Pourtant beaucoup de gens souffrant de solitude
Dont chacun d’eux se plaint
N’ont pas la volonté de changer d’habitude,
C’est qu’elle leur convient.
SAVOIR PARLER
Je n’aurai jamais eu l’art de me faire entendre,
Aussitôt que je parle on ne m’écoute pas ;
Aux talents d’orateur je ne saurais prétendre,
Prononcer un discours me met dans l’embarras.
Comment fait celle qui n’a pas grand-chose à dire ?
Lorsqu’elle ouvre la bouche on gobe tous ses mots
J’analyse le sens du sujet qui l’inspire :
Banalités, surtout, et de menus propos.
Ses tours sophistiqués intriguent l’entourage
Car elle use pour lui d’un parler sibyllin.
Les gens inattentifs à mon simple langage,
Semblent plus réceptifs s’il ne comprennent rien.
Ils font donc tous semblant d’écouter, de comprendre,
Un hochement de tête, un clignement des yeux.
Ils se font dominer sans vouloir s’en défendre
Ah ! s’ils pouvaient savoir que ses mots sonnent creux.
LES COMBATTANTS
(pour Raymond Caulet)
Combien de jeunes gens n’ont pas revu leur terre
Abandonnant soudain leurs amis, leurs parents…
Ils ont quitté les leurs, sans rien de volontaire,
Ces jeunes appelés à rejoindre les rangs
Pour l’accomplissement du devoir militaire.
Ils doivent s’arracher aux adieux déchirants
De ceux qui trouveront si longue leur absence,
Ils iront vers le Sud jouer aux conquérants
Pour offrir au drapeau leur jeune exubérance.
Ils quillent leur famille après un bon repas
Pour un pays lointain, autre terre de France,
Ils tiendront un fusil, marcheront bien au pas …
Ils partirent du Lot, du Tarn, du Finistère
En ignorant, hélas ! qu’ils ne reviendraient pas,
Ils étaient engagés dans une sale guerre.
L’HEURE DE LA RETRAITE
Lorsque vient s’achever le temps de nos labeurs
Et que va retentir l’heure de la retraite
On ne peut s’empêcher de verser quelques pleurs
Alors que l’on croyait plutôt faire la fête.
Une page se tourne alors notre passé
L’espace d’un instant remonte à la mémoire
On se revoit novice, un peu désemparé
Alors que commençait une très longue histoire.
Nous ne sommes qu’un fou sur un vaste échiquier
Quand l’un de nous s’en va l’autre prend la relève
Et l’on ne tardera pas à nous oublier
Nos peines, nos efforts ne seront plus que rêve.
LASSITUDE
Avec l’âge il connaît des ennuis de santé ;
Le grand poète atteint par la morosité
Se soustrait à son entourage ;
Il ne veut pas mourir sur un lit d’hôpital
Ni rester immobile ainsi qu’un végétal ;
Comprenons-le s’il perd courage.
Cet homme plein de vie en proie à la douleur
Qui fait diminuer ses battements de cœur
Ne peut éviter la souffrance.
Le désespoir l’atteint, il choisit d’en finir
Sans penser aux amis pouvant le retenir,
Il laisse son âme à l’errance.
Il n’a pas averti ceux qui l’avaient connu
Contre son gré, sur terre, ils l’auraient maintenu,
Et rédige ses vœux ultimes,
Que l’on retrouvera sans peine à son chevet,
Puis s’endort calmement. Au village il a fait
Le don de ses biens, de ses rimes.
Désireux que la mort le prenne en son sommeil,
Que n’arrive jamais le moment du réveil,
Qu’on le laisse mourir tranquille
Comme il avait vécu ; tels étaient ses souhaits,
Aspirant à partir sur la pointe des pieds,
Faire du néant son asile.
Il souhaitait quitter le monde des vivants,
Les nombreux coups de fil qu’il trouvait énervants,
Et mettre fin à son problème.
Que redire à cela puisque c’était son choix,
Dans un coma profond entendit-il les voix
Disant : « reste avec nous, on t’aime… »
DÉPART
On se rencontre un jour, un autre on se sépare
Pensant que ce moment n’arriverait jamais.
Je me retrouve ainsi sur le quai d’une gare,
Sans avoir pu te dire ô combien je t’aimais.
Mon regard éloquent dit ce que je veux taire.
Mais seras-tu sensible au langage du cœur ?
Je te laisse partir pour vivre solitaire,
Je t’aime, je te fuis, car l’amour me fait peur.
LE FACTEUR
Nous ne le verrons plus farfouiller dans son sac
Pour chercher le courrier qui n’était pas en vrac,
Il le rangeait trop bien adresse par adresse
En le manipulant avec soin et tendresse.
Nous ne le verrons plus en uniforme bleu
Qu’un trait jaune rayait pour l’égayer un peu,
Il était attendu derrière la fenêtre
Pour ceux qui souhaitaient le journal, une lettre.
Nous ne le verrons plus sur son vélo penché,
Sous la pluie en hiver, au soleil en été,
Très discret, peu bavard car sa raison majeure
Consistait à passer toujours à la même heure.
Dans un placard il range aujourd’hui son réveil
Qui, d’un strident appel le sortait du sommeil
Lorsqu’il se prélassait dans les bras de Morphée
Et qu’il quittait d’un bond pour faire sa tournée.
Les autres vont rentrer, il choisit de partir,
Le bureau ne sera bientôt qu’un souvenir.
Le travail au grand air préserve la jeunesse
Et sur lui l’avenir s’ouvre plein de promesse.
Il saura maintenant ce qu’est la liberté,
BONNE RETRAITE
Après avoir œuvré, mis votre compétence
Au service d’autrui
Hélas ! vous nous quittez. A partir d’aujourd’hui
Vous changez d’existence.
Non, nous n’oublierons pas votre amabilité
Les sourires de gentillesse
Qui dévoilaient en vous une grande tendresse
Même de l’amitié.
Vous donniez votre temps, vous étiez à l’écoute
Avec tant de douceur
Et trouviez bien les mots qui s’adressaient au cœur
Pour rassurer un doute.
En ce moment précis,
Nous devons l’avouer, ce départ nous alarme.
De nos yeux vous verrez s’échapper une larme
En vous disant merci.
Il faut que vous sachiez combien on vous regrette.
Nous garderons de vous un très bon souvenir.
Passez une bonne retraite
Avec plein de bonheur pour les jours à venir.
LA CENTENAIRE
Aujourd’hui, vous voilà parvenue à bon port,
Atteignant un sommet qui n’est pas ordinaire
Et le club des Aînés fête sa centenaire
Fier de votre parcours accompli sans effort.
On dirait que sur vous le temps n’a pas de prise,
Les ans ont beau passer mais vous ne changez pas,
Vous allez de l’avant, au rythme de vos pas
Avec la volonté qui vous caractérise.
Nous aimerions savoir, mais sans être indiscrets,
Comment vous avez pu parvenir à cet âge ?
Suffit-il de mener une existence sage ?
Allez-vous à présent nous donner vos secrets ?
Serait-ce le métier, noble, d’institutrice
Que vous aviez choisi, comme ont fait vos parents
Qui vous mit à l’abri du ravage des ans
En éloignant de vous la ride destructrice ?
Quand on passe sa vie au contact des enfants,
On attrape un virus, celui de la jeunesse,
Un virus positif repoussant la vieillesse
Et qui fait rester jeune d’esprit à 100 ans.
Mais vous souvenez-vous de vos petits élèves ?
Le matin, ils entraient sagement dans la cour,
Ils ôtaient leur béret en vous disant bonjour.
Quand vous fermez les yeux, les voyez-vous en rêves ?
Ils ont su, grâce à vous, lire, écrire, compter.
Transmettre ce qu’on sait n’est pas toujours facile
Même si le disciple a l’oreille docile,
Il faut que l’enseignant soit là, pour le guider.
Et vous leur appreniez à l’école primaire
Les pleins, les déliés, à la plume, œuvre d’art !
Dont ils épongeaient l’encre à l’aide du buvard,
Epreuve qu’un Ancien saurait encore faire.
Il fallait répéter, corriger sans émoi,
Ne pas baisser les bras, dans la persévérance
Et compenser l’échec avec de l’espérance.
Pour enseigner, en somme, il faut avoir la foi.
Vous donnez, et jamais le travail ne vous pèse,
Vos heures sans compter et bénévolement.
Vous créez un collège, inévitablement
Il portera le nom de Célestin Sourèzes.
FAIT DIVERS
Elle venait d’entrer dans le quatrième âge
Celui des soixante-dix ans,
L’âge où le retraité, sort, s’amuse, voyage
Ou fréquente les thés dansants.
Mais on se fragilise, on perd la résistance
Il faut savoir se ménager
Car suite à des excès : repos, convalescence,
Contrôle du boire et manger.
Quand le désir nous prend plus rien ne nous arrête
Même s’il doit nous faire mal
Nous voilà prêts à tout pour une cigarette
Qu’on croit bonne pour le moral.
C’est ainsi qu’elle était chaudement dans sa chambre
Par une froide nuit d’hiver,
Elle a voulu sortir en ce mois de décembre
Afin de fumer en plein air.
Elle n’aura pas su maîtriser son envie,
Le désir étant le plus fort,
Pour une cigarette elle a perdu la vie
Son choix l’a poussée à la mort.
NOUVELLE ANNÉE
Le jour se lève et rien n’arrête mon élan,
Je m’enivre d’air frais jusqu’à la griserie
Puis, je ferme les yeux pour qu’au dedans de moi
Je puisse retrouver l’objet de mon émoi,
Magie et féerie
Du premier jour de l’an.
Derrière ma fenêtre où l’aube enrubannée
Laisse timidement passer une lueur,
Je me sens transportée au temps de mon enfance
Où le rêve est possible, où l’on est sans défense,
A l’abri de la peur
D’une nouvelle année.
Je m’imagine avec des membres tremblotants
Dont la vieillesse aura supprimé l’énergie.
Estompant le passé qui ne peut revenir,
A l’horizon s’annonce un morose avenir
Empreint de nostalgie
Qui vient avec le temps.
AUX POILUS
Répondant à l’appel au nom de la Patrie,
Ils vont s’arracher, fiers, des bras de leurs parents.
Ils voulaient s’élever contre la barbarie
Ignorant que la guerre allait durer quatre ans.
Ils avaient à l’esprit le destin de la France
Leur beau pays qu’à l’Est on venait d’envahir
Oubliant qu’ils vivraient l’horreur, la violence.
Sans se questionner, ils surent obéir.
Chacun, cible vivante en uniforme rouge,
Hommes mûrs, jeunes gens au sortir du berceau
Serrés dans la tranchée où personne ne bouge
Attendent le signal pour monter à l’assaut.
Dans les trous des obus qui leur servent de tombe,
Le barda sur le dos, dans les fils barbelés,
Dans les râles d’horreur, les cris quelle hécatombe !
Un dernier mot « maman » sort des corps mutilés.
Il faut être envahi par la rage de vivre
Pour tenir au milieu d’un combat inhumain.
Ils espéraient souvent que la mort les délivre.
Que de morts enjambés pour gagner du terrain !
Des deux côtés, l’enfer, du sang sur l’uniforme
Quel que soit leur drapeau se sont tous des soldats,
Et ces Européens n’étaient que pauvres hommes
Obligés par l’absurde à se livrer combats.
Héroïques Poilus de nos pages d’histoire,
Pour vous, alimentons le feu du souvenir.
Du passé nous devons conserver la mémoire
Onze novembre, un jour qu’il faudra retenir.
LE REFUGE DU RETRAITE
Vous voilà seuls chez vous pour passer la retraite,
Vous êtes arrivés vers la fin du parcours,
En ayant grand besoin d’amour, de tête à tête
Et de loisirs aussi pour occuper vos jours.
Les cheveux grisonnants vous donnent l’air d’un sage,
Si les rides n’ont pas creusé votre visage
L’âge vous a rendus beaucoup plus tolérants.
Vous voulez fréquenter des copains, des amies
Jouer à la belote et faire des sorties
Vous avez décidé de rentrer dans les rangs.
Autrefois vous étiez cultivateur, bergère
Enseignant, commerçant, artisan, épicier,
Vous êtes embarqués dans la même galère
Paysan, boulanger, chômeur ou jardinier !
Vous voguez sur les flots en quête de tendresse
Et de franche amitié qui manque à la vieillesse.
Vous avez en commun la soif d’activités
Dans un climat meilleur, une bonne ambiance :
La porte s’ouvrira sur une autre existence
En franchissant le seuil du club dit des Aînés.
LA MONDAINE
Dans la ville elle va, fait du lèche vitrine
De son pas nonchalant sur de très hauts talons
Son visage marqué que la poudre enfarine
Evoque un triste clown sous des airs fanfarons.
Elle aime bien qu’on la remarque
Et joue à la femme de marque
Fréquentant les salons et les milieux huppés
Tennis, bridge et musée, autant d’heures futiles
Gaspillage de temps en loisirs inutiles
Où sont servis cocktails, petits fours, canapés.. .
Séance de coiffeur ensuite de massage
Elle doit être belle et défier les ans
Pour se faire admirer. Hélas, sur son passage
Ne se retournent plus que de rares passants
Sur cet être d’un autre monde
Aux cheveux teints de fausse blonde.
Fréquentant quartiers chics et les salons de thé
Le petit doigt levé pour maintenir la tasse
Le dos droit et rigide, une femme de classe
Dont les mortels communs se gaussent sans bonté.
LES VIEUX
Quand je revois ces vieux, assis dans leur jardin,
Gris, recroquevillés, la tristesse m’étreint.
Le signe de la mort inscrit sur leur visage
Ridé, blême, noirci, défiguré par l’âge.
Dans le fond de leurs yeux, une lueur d’effroi,
Un regard angoissé craignant, je ne sais quoi.
Ainsi que deux oiseaux pressentant le rapace,
Eux semblaient redouter, proche, la mort qui passe.
Sur leur terre natale ils ont voulu rester,
Ils ont poussé des cris pour ne pas la quitter.
Les jeunes sont partis délaissant la nature.
Ils se retrouvent seuls, n’ayant pas de voiture.
Ne pouvant plus aller faire les magasins
L’épicier ambulant passe certains matins.
Pour les médicaments ils auront l’infirmière.
Dans ce premier roman, Christiane Cavalié décrit, avec un réalisme sans concession, son enfance et son adolescence au sein d’une famille meurtrie par la disparition prématurée, en 1944, de sa sœur cadette Rolande dont ne subsistera concrètement qu’une mèche de cheveux fixée dans le coin d’une photo suspendue par sa maman au-dessus de la tête de lit parentale.
Encore jeune enfant à l’époque du drame, Christiane observe dans son entourage, avec une lucidité surprenante, les comportements parfois irrationnels de ces adultes aux humeurs changeantes, aux réflexes égoïstes et à la sévérité injustifiée.
Devenue adolescente, elle conteste de plus en plus l’autoritarisme de ses parents au même titre que celui des professeurs des années 50 et ce n’est qu’à la faveur d’une rencontre inattendue qu’elle se réconcilie avec le monde des adultes.
Tout cela est restitué avec un langage qui évolue de la fraîcheur des réflexions spontanées d’une enfant de quatre ans à la pondération du discours de l’adulte, en passant par l’arrogance des propos de l’adolescente.
Une mèche de cheveux, par Christiane Cavalié (Éd. De Borée)
C’est le titre du troisième recueil de nouvelles de JEAN PIÉRARD, publié en France, après les cinq plaquettes de poésies éditées en Belgique, au siècle dernier, dans les années soixante -dix. On peut dire que Jean Piérard aime les titres intrigants puisque ses deux ouvrages précédents s’intitulent « LE BLUES DE MILO ET VÉNUS » et « LE VOLCAN SOUS LE ROBINET » ; rappelons que ce dernier titre a été nominé pour le Prix d’Honneur Marc Galabru 2019 au Salon International du Livre de Mazamet (Tarn).
Dans ce troisième opus de 214 pages on découvre dix longs récits de notre temps, même si l’un d’eux se déroule dans un futur proche. Si quelques unes de ces histoires sont plus tragiques que dans les précédents ouvrages, les lecteurs fidèles de Jean Piérard y retrouveront néanmoins l’humour, les surprises, les couleurs éclatantes et la musique qui s’harmonisent dans son style original alliant efficacement lyrisme et réalisme. Rappelons que l’auteur, professeur de français et d’histoire, fut aussi saxophoniste de jazz pendant trente ans et peintre à ses heures et qu’il continue de puiser son énergie et son inspiration dans la lecture, la musique, l’expressionnisme, les voyages, la randonnée et le cinéma ; particulièrement dans le western italien dont il est devenu addict après s’être rendu, en musique, sur les lieux de tournage en Espagne .
Belge expatrié dans les Pyrénées-Orientales, l’auteur adore les mots, les phrases, les images et les partitions qui suscitent l’émotion dans les fictions.
Cet ouvrage, en version papier, est sorti en octobre 2019 et vendu au prix de 14, 90 €. Il est à commander chez son éditrice, dans les librairies et sur la plupart des sites de vente en ligne comme Amazon, Fnac, Décitre, Cultura …
Voici les références pour passer commande :
DES SOURIS DANS LE RÉTROVISEUR Jean Piérard . Éditions ALEXANDRA DE SAINT-PRIX .
ISBN : 978-2-36689-116-4
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