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L’occitan, langue d’avenir. Son évolution dans l’enseignement et dans la société

Peter Cichon, Professeur d’occitan à l’Université de Langues Romanes à Vienne.

Texte de la conférence donnée à Montauban, mardi 9 septembre 2008 : « L’occitan, langue d’avenir. Son évolution dans l’enseignement et dans la société ».

L´occitan – une langue de l´avenir
Peter Cichon, Université de Vienne/Autriche

I) Permettez-moi de commencer mon intervention sur l’avenir de l’occitan avec une petite digression : Voir venir un allemand vous parler de l’occitan peut vous paraître surprenant et même prétentieux. Et cela à juste titre – je m´imagine un français qui arrive en Westphalie, ma région natale dans le nord de l’Allemagne, pour me parler du bas-allemand ou à Vienne où je vie depuis vingt ans pour me parler du viennois, du tyrolien ou du styrien.
Vous trouvez la même situation dans les sciences, p.ex. dans le domaine de la sociolinguistique qui est ma spécialité : on reproche souvent aux chercheurs étrangers d´être trop peu familiarisés avec les spécificités de la société examinée pour bien comprendre ses habitudes linguistiques et pour les pouvoir décrire convenablement. Un tel jugement est vrai et faux à la fois. Il est vrai si ‘convenablement’ signifie voir avec les yeux des membres de la société en question. Or l’étranger, n’étant pas actant, mais seulement observateur, n’a pas cette possibilité. Par contre, il est faux si l’on admet que d’autres accès, d’autres perspectives peuvent contribuer à une connaissance plus approfondie.
Il est évident qu’en tant qu’étranger je n’ai pas vécu les mêmes conditions et les formes de socialisation linguistiques que vous, je n’ai pas internalisé les mêmes lignes de conduite et les mêmes évaluations culturelles, je n’ai pas la même notion du normal et de l’exceptionnel. Par conséquent, il est fort probable qu’en tant qu’externe j’interprète certains phénomènes sociaux d’une autre manière que les internes. Mais à mon avis c’est justement cette différence d’accès qui comporte une chance, celle d’acquérir des connaissances complémentaires. Cette chance épistémologique de l’étranger en tant qu´examinateur est celle d’un enfant qui ne cesse de s’émerveiller devant le monde et qui essaie de sonder le sens profond de tout phénomène. Le dramaturge George Tabori, Hongrois de naissance, illustre ce que je viens de dire, lorsqu´on lui décerne en 1992 le prix littéraire allemand Georg Büchner : “[…] J’aime cette langue [l’allemand, P.C.], bien que je ne la possède pas entièrement.
Mais c’est un avantage pour l’étranger qui veut rester étranger, car ça lui permet de garder sa ‘troisième oreille’, de sorte qu’il puisse, avec la curiosité de l’étranger, prendre les mots au pied de la lettre et fourrager dans les intestins de la langue […]“
Bénéficier de la chance de l’étranger dans la recherche sociologique ou sociolinguistique consiste donc à capitaliser sa relative distance par rapport à son objet de recherche :

a) Tandis que le scientifique occitan qui analyse le contact/conflit franco-occitan ou la conscience linguistique des locuteurs risque d’être lui-même assujetti aux effets des phénomènes qu’il examine, l’étranger peut aborder son sujet sans émotion et de manière
plus neutre et objective.
b) Grâce à cette distance relative, le scientifique étranger peut sonder le “naturel“ apparent. Dans le meilleur cas, il peut parvenir à faire remonter à la conscience des locuteurs leurs pratiques sociales (p. ex. langagières) patinées par la routine ou bien refoulées psychologiquement et permettre ainsi une vérification de leur utilité sociale.
c) En outre, l’étranger peut plus facilement aborder des tabous. Chaque société connaît des interprétations de son histoire ou des règles de fonctionnement internes qui sont guère thématisés, car inconsciemment on craint de mettre en question le fondement de sa propre identité en les soumettant à une révision. Deux expériences que j’ai faites lors de mes propres recherches peuvent illustrer la remarque précédente :
Dans le cadre d’une recherche sur la situation de l’occitan dans le système scolaire français, réalisée au cours des années 80, j’ai effectué une série d’interviews de longue durée avec un certain nombre de professeurs de collège et de lycée qui enseignent l’occitan. Et là j’ai dû constater que malgré des programmes scolaires d’occitan souvent détaillés ils avaient à peine réfléchi sur la question de savoir en fonction de quel but social, de quelle répartition sociale entre l’occitan et le français ils munissaient leurs élèves d’une compétence en occitan. En insistant sur la question, bon nombre d´entre eux admettaient qu´ils craignaient qu’un approfondissement de cette question les oblige à reconnaître l’échec social de l’occitan.
J´ai pu faire une autre observation du même genre en Suisse où j’ai réalisé une enquête sur le comportement linguistique des Romands en contact avec des Suisses allemands.
Nous savons tous que par rapport au contact des langues dans d’autres pays européens la coprésence des langues en Suisse fonctionne de manière assez paisible, mais cela n’empêche pas qu’elle ait connu et connaisse encore des situations de conflit (il suffit de penser à la séparation de la partie francophone du canton de Berne pour former un propre canton – le canton du Jura – dans les années 70). L’existence de ce genre de conflit semble être systématiquement nié dans le discours public suisse. Or, le refoulement systématique des conflits latents qui souvent sont de courte durée et pourraient être facilement résolus, risque de nourrir de véritables tensions inter ethniques. Ici pour l’étranger, il est plus aisé de sensibiliser à des développements problématiques.
d) Enfin, l’étranger a plus de facilités à faire des analyses contrastives et à présenter des solutions alternatives à des problèmes sociaux ou sociolinguistiques. A l’intérieur d’une société, les solutions envisagées sont souvent les mêmes, tandis qu´entre les sociétés elles peuvent bien diverger.
En somme, il me semble que pour parvenir à une meilleure compréhension des fonctionnements sociolinguistiques, on devrait combiner le regard de l´intérieure et celui de l’extérieur.

II) Je suis donc un étranger, mais pourtant la situation de l´occitan m´est assez familière. J´ai passé toute une année dans des fermes occitans – au pied du Mont Ventoux, sur le Larzac, aux alentours d´Agen, près de Grenade sur Garonne est évidemment ici, plus précisément à Monclar-de-Quercy chez les familles Robert et Yves Linas – pour apprendre la langue du pays. J´ai ramassé des prunes, j´ai taillé la vigne, j´ai même eu la possibilité de traire des brebis – 504 le matin et 504 le soir, et à travers tout cela je suis tombé amoureux de la langue et de la culture occitanes. Donc je crains de ne pas disposer pas vraiment de cette distance affective du chercheur étranger dont je viens de parler.
Etant romaniste allemand, je proviens d´un monde universitaire qui depuis toujours a eu beaucoup d´affinité pour la langue et la culture occitane. Laissez-moi donc vous parler un peu de l´occitan dans le monde universitaire germanophone et commençons par l´université de Vienne où j’enseigne.
Parlar coma romanista Vienés de la situacion de l´occitan al nivèl universitari es un ofici puslèu agradiu perque la situacion q´avèm ailà es favorabla a la lenga – i sèm tres professors (Georg Kremnitz, Fritz-Peter Kirsch et ièu)

– (a) qu´asseguram regularament de seminaris completament o per lo mens parcialament dedicats a la linguistica e la literatura occitanas,
– (b) parallelament iniciam cada an dins un cors de lenga un detzenat d´estudiants a l´occitan referencial
– (c) e los tres ensems capitam a crear un sòl noiriçièr, del que sortisson bon nombre de memòrias e de tèsis de doctorat.
Cresi que dins tot monde germanoparlant i a pas d´universitat mai occitanisada que la de Viena. Alavetz parlar de l´occitan coma romanista vienés fornís un imatge un pauc atipic. Caquela l´istòria dels estudis occitans o estudis provençals cossi s´apelavan dins lo passat dins las universitats de lenga alemanda, comencèt d´un biais glorios. Tot lo long del sègle detz-e-nòu e cap a la segonda guèrra mondiala l´occitan et los estudis occitans èran plan ancorats dins lo domeni dels estudis romans; cada romanista de renommat sabiá legir los trobadors dins la lenga originala e consacrava una partida de son ensenhament y de sa recerca cientifica a aquesta lenga. I a de monde que sosten l´ipotèsi que lo caractèr especific –
romantic – dels estudis occitans dins lo monde germanoparlant – e que consistís dins una amira pancronica e dins l´integracion d´estudis literaris e linguistics – es una de las rasons qu´en Alemanha e Austria avèm totjorn d´ estudis romans que se son pas subdivisat dins una tièra de filologías nacionalas coma dins d´autres paises. E naturalament se discutís fòrça d´ont ven aqueste grand interés dels universitaris alemands per l´occitan. Se crei que i doas rasons, doas rasons que se succedisson. Abans l´impèri alemand de 1871 i aviá benlèu l´affeccion dels alemands per una Occitania considerada coma autra “nacion empachada”; e aprèp, quand s´agrava la polarisacion politica entre França e Alemanha l´occitan ofrís als galloromanistas alemands un domeni d´estudis politicament inocent – e mai desconsiderada pels universitaris
franceses. Cap a la primièra guèrra mondiala i aviá pas d´institut d´estudis romans sens per lo mens un professor qu´èra sustut o tanben occitanista (provencalista). Los centres universitaris èran Marburg (Stengel), Greifswald (Koschwitz), Halle (Suchier) e Berlin (Tobler, Levy, Apel, Schultz-Gora). Es solament aprèp la seconda guèrra mondiala que los estudis occitans commençan a declinar ; las rasons ?
– (a) los trabalhs realisats avián ja satisfach una bona partida dels desiderata cientifics ;
– (b) autre factor son los occitanistas que pendent lo govern dels nazis devián quitar lo país;
– (c) un tresen factor son de reorganisacions utilitaristas dels estudis romans qu´an marginalisat los estudis occitans.
Caquela se mantenon; sufís de mencionar de noms coma Köhler, Mölk, Krauß, Rieger, Baldinger, Stimm, Pfister, Maas, Schlieben-Lange, Kirsch e Kremnitz, e i a plan d´autres. Es totjorn impressionant lo nombre de professors titularis acutals qu´an escrich lor tèsis de doctorat o la tèsi d´estat sus un tèma occitan. Lo sol problèma de la recerca es l´inegalitat dels temas investigats : las recercas sus la literatura medievala e los estudis linguistics, sustot de sociolingüistica son plan avancats, mentre que d´autres domènis coma la literatura occitana moderna lo son plan mens (aquí tanben Viena fa excepcion de la règla).
Mentre que la situation de la recerca occitana es totjorn plan bona dins las universitats de lenga alemanda e – quicòm agradiu – i a totjorn un fum de joves universitaris que mantenon aquesta tradicion, sa presencia dins l´ensenhament universitari es mens florissanta : la collèga Trudel Meisenburg dins son analisi de l´annada universitaria 1998/99 constata que dins los seminaris o los cors l´occitan es rarament matèria a part entièra mas fonciana ambe lo sosten d´autras disciplinas (p. ex. francés, italian, espanhòl, literatura comparativa, istòra, musicología etc.).
Bon, Fin de la digrecion e tornem veire la situacion a Viena…
Cossi s´integrís l´occitan dins lo nòstre plan d´estudis? Es plan simple : los estudiants que vòlon estudiar una de las grandas lengas romanas – francés, italian, espanhòl, portugués o romanés – coma primièra matièra devon sègre pendent doas semestres un cors de base dins una segunda lenga romana – doas oras per setmana dins lo primièr e quatre oras dins lo segond semestre. Al costat d´una de las cinc lengas mencionadas pòdon causir tanben una lenga romana mens espandida y que son a l´ora d´ara a nòstre institut l´occitan, lo catalan e lo papiamentu. Naturalament ambe un total de sieis oras de cors de lenga aqueste pòt pas fornir grand causa. Caquelà los estudiants sabon mantener una conversacion de basa, coneisson l´envergadura tematica de la literatura occitana (anciana e moderna) e coneisson tanben las rasons e las etapas mas importantas de la decadéncia e de la renaissença de la cultura occitana. Mas la foncion primièra dels corses es de lor donar apetit a l´occitan, de lor inspirar l´enveja de dintrar mai e tot sol dins la cultura occitana e d´apprigondir son saber sus ela, un biais que practica p.ex. Madama Elisabeth Bazant que ven de parlar.

Una question que s´inspira naturalament es : perqué los estudiants s´interesson a l´occitan dins un país tan luénh e tan pauc romanisat ? – vos daisssetz pas embolhar per l´ambicion d´Autria d´aderir a l´Associacion internacionala de la francofonía – Austria es pas un país romanic). De segur i a de rasons plan diverses :
– son corioses de conéisser una lenga e cultura de la qu´aprenon a l´universitat qu´es un breç mai que mai important de la literatura occidentala e segon Dante Alighieri, la mai polida de las lengas romanas ;
– en seguida son curioses de conéisser las rasons de la vitalidad d´una cultura que viu e que subreviu desempuèi gaireben uèch sègles jos l´escantidor de la lenga francesa,
coma diguèt Felix Castan; volon comprene cossi resistís a l´acculturacion e volon naturalament saber lo qu´a l´ora d´ara fa son originalitat ;
– ausisson qu´es una lenga plenament accessible per qualqu´un que conéis ja lo catalan o lo francés, e agantan aital l´escacenca de dintrar sens granda pena dins una novèla cultura, e mai dins una lenga de pont, coma la qualifiquèt Badia i Margarit, que lor facilita l´accès a d´autras lengas. Ai d´amics occitans que me dison, parli pas italian, alavetz quand vau en Itàlia, parli occitan e ai l´impression que i a de monde que me compren melhor que quand parli franchimand ;
– sai que i a tanben las condicions de trabalh : dins los corses d´occitan, que son puslèu pichons – e tot lo contrari de l´ensenhamant dins un institut ambe 4000 estudiants d´estudis romands e solament 80 professors. Dins los corses d´occitan nos coneissem plan, sèm coma en familha, e i s´espandis lèu una solidaritat entre nosautres que ven del partiment de l´affecion per una lenga e cultura que son valor se revèla pas per la granda massa, ni en França ni mai en Alemanha o en Austria ; lo vam ambe lo qual los estudiants sortisson dels corses d´occitan se manifesta p. ex. dins lo fach que gaireben cada an i a de monde que va a Nîmes per participar a l´universitat occitana d´estiu ; al costat d´aquò cada an i a entre vint e trenta d´estudiants de nòstre institut pels que mon amic Robèrt Linas de Montalban – aqui present – tròba de familhas d´Occitània ont los estudiants pòdon melhorar lor francés mas ont an a l´encòp la possibilitat d´ausir e de practicar l´occitan ;
– e finalament cal pas oblidar qu´en causissent l´occitan los estudiants manifestan su sensibilitad per una Euròpa, que professa la pluralitat de sas lengas e culturas.
Encara que la situacion de l´occitan a l´institut d´estudis romans de l´universitat de Viena es pas cap maissanta, cal pas claure los uelhs als problèmas e als revendicacions del avenir :

– un problèma etèrn que tot lo monde conéis es que sèm forçats d´estalviar, sustot dins lo contexte de l´implantacion del programa de Bologna, aquesta triparticion bachelierat – master – doctorada – dels estudis universitaris europèus ; dins la mesura que deven virulent per totas las lengas romanas, aquò fa créisser la pression justificadora sus las lengas romanas mens espandidas ; solament ont i a problema i a tanben escasença : una de las tòcas d´aquesta nivelacion dels programas d´estudis en Euròpa – ne sèm encara luènh – es de melhorar la mobilitat dels estudiants a l´interior de l´union europèa ; en consequéncia aurèm una mai granda concurréncia entre las universitats per atraire d´estudiants ; soi membre de la comicion de nòstre institut que definís lo novèl programa d´estudis segon lo modèla de Bologna ; es evident que per atraire d´estudiants cal presentar quicòm d´atractiu ; a nòstre vejaire aquò exigís
– (a) d´un costat que los estudis sián capitalisables sul mercat de trabalh,
– (b) e de l´autre que sián originals.
Per asegurar aquesta originalitat e per donar a nòstre institut un perfil que lo destria dels autres, avèm l´intencion de manténer e benlèu d´acentuar una especialitat de nòstre institut e qu´es la diversitat de las lengas romanas ensenhadas – entre autre l´occitan.
– Caquelà sèm pas òrbs e sabèm que i a una diferéncia entre l´atractitat universataria de l´occitan e sa mai pichona atractvitat en defòra de l´universitat aquò vòl dire sul mercat de trabalh d´Austria e d´Alemanha e que d´aqueste punt de vista la pression sociale sear de mai en mai granda. Alavetz pensam que d´assegurar sa preséncia d´un biais duradís a l´universitat lo cal ancorar dins una concepcion romanista: cal ensajar d´occitanisar dins una amira contrastiva los estudis d´autras lengas romanas ; a l´encòp cal ensajar de manténer lo mai possible d´estudis occitans autonoms.
Sèm optimistas que capitarèm !

III) L´occitan est donc une langue du monde et une langue avec plein d´histoire. Mais l’occitan peut être et sera à la fois une langue de l’avenir.

Qu´est-ce qui me rend optimiste ? – Il y a trois motifs d´optisme :
1) Premier motif : sensibilisation politique au niveau européen
Tout maintien social d’une langue, qu’elle soit régionale ou nationale, est fonction de sa valeur d’échange sur le marché de la communication. Là où cette valeur diminue, on assiste à une diminution dans la pratique de cette même langue. D’autre part, si l’on veut que les locuteurs des langues dites minoritaires continuent de les parler et qu’ils les retransmettent à la génération suivante, il faut que leur usage reste ou là il ne l´est plus, devienne socialement capitalisable. D’où la nécessité d’assurer ce que les sociolinguistes catalans appellent la normalisation de la langue, c’est-à-dire d’une part, l’adaptation de sa forme et de sa structure (à savoir de son vocabulaire et de sa codification) aux besoins d’une langue véhiculaire moderne et de sa mise en pratique dans tous les circuits importants de la communication.
C’est bien la compréhension de ce mécanisme qui a amené le Conseil de l’Europe et le Parlement Européen à voter au cours des dernières années un certain nombre de résolutions ou de chartes dont le but commun est d’améliorer la présence des langues minoritaires dans la vie publique. A titre d’exemple, je cite la charte des langues régionales présentée par Gaetano Arfé, accompagnée d’un catalogue de mesures de soutien – établi par Cirici Pellicier – que le Conseil de l’Europe a voté en 1981. Willy Kuypers soumet en 1987 un catalogue similaire au Parlement européen. Le dernier texte de ce genre est la Charte européenne pour les langues régionales ou minoritaires, que le Conseil de l’Europe a approuvé en 1992. Tous ces textes européens revendiquent une meilleure présence avant tout dans l´administration publique, dans le domaine de l’enseignement étatique et dans celui des mass média. Or cela va presque sans dire : L’école est l’instrument-clé du contrôle culturel d’une société et à la fois un des plus importants multiplicateurs culturels et linguistiques. Quant aux mass média, ils sont purement et simplement le système central de diffusion d’idées et de par leur prestige, l’instrument peut-être le plus apte à corroborer la conscience linguistique souvent déficitaire des minorités.
Maintenant, nous savons qu´un statut politique même élevé d’une langue régionale n’est point suffisant pour assurer de manière durable sa présence sociale (pensez à l´irlandais – langue coofficielle en Irlande, mais peu utilisée dans la communication quotidienne). Il doit impérativement aller de pair avec un prestige correspondant auprès des locuteurs, sinon il risque de rester socialement inopérant. C´est donc une très bonne chose que les langues et cultures régionales en France figurent dorénavant dans la constitution française, mais il faut que leur mention soit accompagnée par des projèts concrèts d´application sinon leur valorisation reste symbolique Nous savons à quel point la pratique et la présence publique de toute langue régionale est tributaire de la bienvieillance du groupe linguistique majoritaire. En même temps nous connaissons l’influence néfaste que la propagande du monoculturalisme de la langue dominante exerce sur la conscience et la pratique des cultures minoritaires.
Dans l’usage administratif, les langues régionales sont exposées à la concurrence souvent écrasante de la langue dominante, car à ce niveau, c’est avant tout sa valeur fonctionnelle qui détermine le choix d’une langue. Et comme l’infrastructure communicative et la codification des langues régionales sont souvent lacunaires, les langues dominantes leur sont fréquemment préférées.
Le problème des mass média est avant tout un problème financier et un problème de professionnalisme. Ce qu’il est possible de faire dans le domaine de l’audiovisuel, ce sont les Catalans qui nous le montrent le mieux : l’attractivité de leur chaîne de télévision est tellement forte que l´Etat espagnol a créé sa propre chaîne de télé en catalan pour ne pas perdre l’emprise télévisuelle sur la population catalane.
Malgré la présence très déficitaire des langues régionales dans les mass média, ce sera surtout à ce niveau-là que se décidera leur avenir dans nos sociétés médiatisées.

2) Deuxième motif d´optimisme : l´amélioration de sa situation scolaire
L´enseignement de l´occitan est tributaire de son contexte politique et administratif, et celui ci, nous le savons, est assez incohérent. On peut constater à l´heure actuelle un petit souffle qui anime la politique à l´égard les langues régionales. Depuis 1989, les langues régionales figurent dans le code de l´éducation, qui stipule: « Un enseignement des langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l´Etat et les collectivités territoriales où ces langues son en usage. » Dans une perspective d´européanisation et suite au constat d´un retard de la France dans le domaine des langues étrangères, l´Etat redécouvre le potentiel auxiliaire des langues régionales, dans l´apprentissage des langues européennes ; dans ce sens, il oeuvre pour faciliter p. ex. l´accès à l´allemand à travers l´alsacien, à l´italien à travers le corse et au catalan et à l´espagnol à travers l´occitan. Ce n´est pas qqch. de particulièrement nouveau : on en parle déjà dans l´article 2 de la loi Deixonne (1951) et, contrairement aux consignes de la Loi Ferry, tout au
long du 19e et au début du 20e siècles, maints instituteurs se sont appuyés sur l´occitan pour faciliter à leurs élèves l´apprentissage du français. Au niveau des régions et des rectorats d´académies certains d´entre eux (p. ex. celle de Toulouse) affirment avoir l´intention de permettre à chaque élève d´avoir à un moment de son cursus, un contact avec la langue occitane. Et au niveau des établissements scolaires, il y a des écoles exemplaires comme les collèges de Gramat et de Saint-Sulpice dans le Lot, où l’occitan jouit d’une présence de type l’immersion, c’est-à-dire où existent des cours d´histoire-géographie en occitan, assurant ainsi la continuité des classes bilingues du premier degré, existant dans ces communes.
D´autre part, nous savons que la réalité scolaire occitane est loin d´être satisfaisante. Les cours de langue sont souvent rigoureusement marginalisés ou même supprimés des programmes, soit par négligence, soit sous prétexte de manque de moyens financiers, soit par obstruction à l´intérieur du corps enseignant. Encore tout récemment j´ai eu le témoignage d´une enseignante qui a entendu un proviseur de lycée, confronté à la demande de parents d´ouvrir des cours d´occitan, dire publiquement : « Si votre enfant veut faire du patois envoyez-le chez ses grands-parents en week-end ! ». Pourtant, le problème majeur de l´enseignement de l´occitan, en dehors évidemment du fait général qu´il est de moins en moinscapitalisable dans la communication quotidienne et perd ainsi de son prestige social, est de nature structurale : manque de continuité des cours tout au long de la scolarité, et manque de continuité surtout dans la transition de l´école maternelle à l´école élémentaire et de l´enseignement primaire à l´enseignement secondaire. J´ignore les chiffres des élèves actuellement inscrits dans des cours d´occitan, mais je doute fort qu´une déclaration comme « Le nombre d´élèves suivant un enseignement de langue régionale a […] augmenté de 40% en cinq ans », prononcé par le ministre de l´éducation le 18 mars 2005, lors d´un débat au Sénat, soit fidèle à la réalité de l´enseignement de l´occitan.
L´un des défis majeurs de l´enseignement de l´occitan semble être la permanence du contact entre les élèves et le monde occitan alentour. Jusqu´après la seconde guerre mondiale, l´enseignement de l´occitan, à travers la méthode Freinet, s´appuyait sur le lien étroit entre l´école et le monde occitan alentour. Aujourd´hui, suite à la régression de ce contact, l´enseignement de l´occitan se rapproche de plus en plus de celui des langues étrangères.
Ainsi, non seulement les jeunes néolocuteurs occitans risquent de se singulariser mais encore, on ne voit pas comment l´occitan pourrait subsister sans communication entre les générations. Les enseignants d´occitan semblent être bien conscients de ce problème. Dans le cadre d´une enquête que j´ai réalisé il y a juste trois ans, j´ai posé la question s´ils ont l´impression que leur enseignement diffère de celui des autres langues, au niveau des méthodes. Alors quelques réponses:
– oui, bien sûr il y a tant à découvrir, cela dépasse le simple cadre d´une langue étrangère ;
– l´enseignement de l´occitan s´appuie directement sur une réalité sociale qui entoure l´élève ;
– oui, car il ne s´agit pas d´une langue étrangère, je pars de ce que les élèves connaissentdéjà […] les thèmes de civilisation sont plus proches d´eux mais touchent aussi à l´universel, on peut tout dire en oc ;
– relation avec le milieu extérieur, les habitudes linguistiques et culturelles du milieu familial.
Par conséquent les enseignants s´efforcent, dans la mesure du possible, d´intégrer cet environnement dans leur programmes de cours :
– je sollicite au maximum les connaissances familiales ;
– la démarche s´appuie sur leur environnement naturel et sur ce qu´ils vivent au quotidien, sur leur rapport quotidien avec la langue ;
– je leur demande de procéder à des enquêtes (pour la langue) ; les retours sont positifs ; mais le revers de la médaille c´est qu´ils ne voient la langue parlée que par les vieux ;
– c´est rarement une langue vivante, si c´est le cas, j´essaie de l´intégrer à mon cours en demandant les mots qui les ont marqués ;
– je peux me servir des connaissances de certains élèves pour systématiser un point de langue ou illustrer la diversité dialectale ; cependant, il faut penser aux élèves de famille nouvellement arrivées dans notre région (et ils sont de plus en plus nombreux) ; les ressources en support documentaires régionaux, des textes de presse, magazines et reportages télévisés, même s´ils restent encore trop rares, sont les bienvenus ; c´est une occasion de sensibiliser les jeunes à la pénurie de moyens frappant les langes minoritaires et à l´intérêt de préserver la glottodiversité.

Pour assurer la présence de l´occitan à long terme, il semble impératif de doter les élèves non seulement d´une bonne compétence linguistique – d´ailleurs sensible aux variantes dialectales et référentielles – mais aussi d´une compétence pragmatique, qui leur permet en effet d´engager et de maintenir le contact avec les locuteurs primaires. Doter les élèves d´une compétence linguistique qui ne déboucherait pas sur la pratique ne sert à rien. Alors, en quoi pourrait consister une telle compétence pragmatique qui permettrait de renouveler la communication intergénérationnelle ? A mon avis, elle reposerait sur
a) une connaissance approfondie des mécanismes du refoulement social et situationnel de l´occitan,
b) une conscience linguistique et un savoir culturel suffisamment importants pour inspirer la pratique ;
c) l´appropiation par les élèves d´un stock de stratégies discursives qui leur permettrait de s´intégrer dans la communication occitane.
En même temps l´enseignement doit répondre aux besoins linguistiques des élèves qui, en tant que néolocuteurs, auront à se créer de nouveaux domaines de communication. Là, on peut se demander si la compétence dont on les dote est toujours à la hauteur de leurs besoins linguistiques. S’efforce-t-on suffisamment de sonder la spécificité de ces besoins, qui ne sont pas forcément identiques aux besoins d´un locuteur primaire ? A-t-on jamais fait l´inventaire des sujets et des situations de communication typiques d´un jeune locuteur secondaire en occitan, de ses besoins en langue standard et en langue locale, du vocabulaire, des genres de textes et des types d´usage oral et écrit de la langue ? Il faudrait, quoi qu´il en soit, procéder à ce type de questionnement et de tenter d´y répondre, afin que les jeunes locuteurs puissent capitaliser leurs connaissances acquises. Sinon, on risquerait de les voir se détourner définitivement de leur langue.
Pour améliorer l´ancrage scolaire et social de l´enseignement quatre taches me semblent donc être prioritaires :
– assurer une bien meilleure intégration de l´occitan dans l´enseignement primaire ;
– améliorer l´intégration linguistique et idéologique des locuteurs primaires et secondaires afin de pouvoir intégrer l´enseignement dans le monde occitanophone ambiant ;
– pourvoir les élèves d´une compétence occitane pas seulement linguistique, mais aussi pragmatique, pour qu´ils parviennent vraiment à faire passer l´occitan dans la communication (es pas lo nòstre patoes…)
– engager une discussion approfondie sur la future fonction sociale de l´occitan dans un monde forcément plurilingue et formuler des programmes d´enseignement correspondants.

3) Troisième motif d´optimisme : amélioration de la conscience linguistique des locuteurs
Grâce aux études nous disposons aujourd’hui des connaissances approfondies sur la conscience linguistique et culturelle, sur ses déterminantes et sur ses conséquences.
– Nous connaissons mieux les types courants de socialisation linguistique individuelle, surtout parmi les jeunes ; la place de l’occitan dans la communication familiale et sociale ; les influences psychosociales, surtout les représentations individuelles de la connotation sociale de l’occitan.
– Et là nous pouvons constater que la conscience linguistique des locuteurs primaires dans l’ensemble s’est considérablement dépatoisée, surtout grâce à une restitution du savoir culturel et une présence publique légèrement améliorée.
– En même temps les recherches de terrain révèlent que la conscience linguistique des locuteurs primaires et secondaires – ce sont des gens qui s´occitanisent suite à une décision personnelle (élèves, étudiants, intellectuels et autre) connaît des divergences, de sorte que la communication entre eux n’est pas toujours facile.
– L´affermissement de la conscience n’a pas, du moins jusqu’à présent, conduit à un renforcement de la pratique. Nous en connaissons aussi la cause: bien que la conscience linguistique des occitanophones se soit améliorée, ce processus n’est pas accompagné d´une revalorisation de la langue parmi les locuteurs francisés ou non-occitans qui ne sont pas prêts à s’ouvir à la langue. Par conséquent, l´occitan ne peut pas élargir ses champs d’application et perd de nouveau le prestige qu’il vient de gagner parmi ses locuteurs. La langue étant dépourvu d’utilité sociale en dehors de ses cercles traditionnels, ces mêmes locuteurs ne voient pas le sens de s´occitaniser davantage dans la pratique langagière et d’étendre l´occitan à de nouveaux domaines.
– Un autre facteur qui réduit le prestige de l’occitan et qui en même temps affaiblit la conscience linguistique des locuteurs est le constat d’une perdition accélérée de la langue, aussi dans les niches géographiques (régions montagnardes) ou sociales (vie rurale), un processus qu´ils ne croient pas pouvoir freiner, faute d’un soutien politique massif.
– D’autre part, les locuteurs font aussi des observations qui pourraient affermir leur conscience linguistique : l’existence des locuteurs secondaires, en général jeunes, citadins, sachant à la fois parler et écrire la langue et représentant ainsi une occitanité moderne.

Vous voyez, les observations que l´on peut faire au sujet de l´occitan sont très diverses. On peut-en déduire une vision optimiste ou pessimiste sur son avenir. Moi je me mets du côté des optimistes: je vois encore plein de locuteurs, ici et ailleurs, je vois beaucoup d´engagement dans tous les domaines, pas seulement au niveau de la politique, de l´administration, de l´école et des mass media, mais à la fois au niveau culturel, que ce soit la musique, la danse, le théatre, le film, l´artisanat et tant d´autres. Et tant qu´il y a autant de vitalité linguistique d´engagement, il y aura aussi un avenir.

Langue d’Oc : une ou plusieurs

La langue, une réalité dans l’espace et dans le temps

Les troubadours sont l’illustration éclatante de l’unité dans la diversité de la langue d’Oc au Moyen Âge, mais les textes médiévaux prouvent aussi l’unité de la langue d’Oc aujourd’hui. Ce n’est pas la même forme de langue, mais c’est la même langue. Une personne d’aujourd’hui connaissant convenablement n’importe quelle variante de la langue d’Oc actuelle peut lire la langue d’Oc du Moyen Âge dans le texte, pour peu qu’elle soit un peu cultivée. Naturellement, il faut consentir l’effort de se familiariser avec les archaïsmes de langue, un univers et des mentalités disparus. La poésie n’est pas d’accès facile, dans des genres poétiques parfois savants. Certaines oeuvres sont plus aisément abordables (par ex. le célèbre roman de Flamenca).
L’écrit normal, utilitaire, souvent moins difficile, est une preuve encore plus manifeste de l’unité de la langue dans le temps et dans l’espace. Il s’est développé au Moyen Âge exactement comme l’écrit en français dans sa zone linguistique et de façon semblable (à côté de l’écrit en latin partout majoritaire) : textes administratifs et juridiques, règlements divers, livres de commerce, ouvrages techniques ou savants, etc. L’élévation récente du niveau d’éducation et le changement du goût de l’histoire (pour la vie des hommes plus que pour les « grands événements » auparavant mythifiés) font qu’on se passionne pour les textes anciens. On en édite d’un bout à l’autre des régions d’Oc.

Que negun òme ni deguna femna non ause versar ni gitar fems ni escobilha ni tèrra ni aigas en las carrièras de la davandicha ciutat, exceptat aiga per enrosar d'estiu e exceptat aiga per lavar ampolas o autre esplech per portar vin. ampolas : bouteilles, fioles. (L’hygiène publique au XIIe s., Archives Municipales de Narbonne)
Que negun òme ni deguna femna non ause versar ni gitar fems ni escobilha ni tèrra ni aigas en las carrièras de la davandicha ciutat, exceptat aiga per enrosar d'estiu e exceptat aiga per lavar ampolas o autre esplech per portar vin. ampolas : bouteilles, fioles. (L’hygiène publique au XIIe s., Archives Municipales de Narbonne)

« L’occitan a été la première langue romane a connaître un usage administratif (la première charte entièrement rédigée en occitan date de l’an 1102 et est originaire de Rodez ; elle est presque antérieure d’un siècle à la première charte écrite en français). »G. Kremnitz

La graphie n’est pas la langue. Elle n’en est que le vêtement. On peut écrire un même texte de n’importe quelle variante de la langue dans des graphies différentes sans modifier en rien sa forme de langue ni sa prononciation. Que, pour la langue d’Oc moderne, on préfère la graphie mistralienne (graphie de Roumanille) ou la graphie originale restituée (graphie d’Alibert), l’unité de la langue dans l’espace et dans le temps est un fait.
Toute orthographe est à la fois phonologique, étymologique, grammaticale, signifiante (en proportion variable selon les langues), outil matériel d’écriture (avec les contraintes pratiques de l’écriture manuelle et de la typographie). Toute orthographe évolue dans le temps et est toujours en partie conventionnelle. Par fonction, l’écriture généralise ce que la prononciation particularise. Une même écriture recouvre des prononciations différentes.
L’orthographe est le contraire d’une prononciation figurée. Elle cristallise l’unité de la langue (elle aide les gens à bâtir le concept de langue, qui n’est pas du tout inné). La prononciation de la langue d’Oc a évolué comme celle de toute autre langue, mais on peut parfaitement lire la langue du Moyen Âge avec la prononciation actuelle. On ne lit pas Racine avec la prononciation du temps de Louis XIV.

MISTRAL lui-même

Frédéric Mistral, le plus grand nom de la renaissance d’Oc du XIXème s., est un maître de la langue, écrivain de génie mais aussi auteur d’un magnifique dictionnaire (publié de 1879 à 1886) qui donne les mots de l’ensemble de la langue d’Oc de son temps.

Frédéric MISTRAL (1830-1914) Prix Nobel de littérature, l’un des fondateurs du Félibrige.
Frédéric MISTRAL (1830-1914) Prix Nobel de littérature, l’un des fondateurs du Félibrige.
Le grand dictionnaire Provençal-Français de Frédéric MISTRAL ne laisse place à aucune ambiguïté. Il entend bien par provençal la langue d’Oc, et il s’agit bien d’une seule langue, composée de dialectes variés (dialecte étant pris dans son vrai sens linguistique de « variante constitutive d’une langue », et non pas de « langue inférieure »). Le Tresor de Mistral est une somme admirable de près de 2400 p. sur trois colonnes, œuvre de vingt ans de travail.
Le grand dictionnaire Provençal-Français de Frédéric MISTRAL ne laisse place à aucune ambiguïté. Il entend bien par provençal la langue d’Oc, et il s’agit bien d’une seule langue, composée de dialectes variés (dialecte étant pris dans son vrai sens linguistique de « variante constitutive d’une langue », et non pas de « langue inférieure »). Le Trésor de Mistral est une somme admirable de près de 2400 p. sur trois colonnes, œuvre de vingt ans de travail.

Avant Mistral

L’oeuvre de Mistral et le Félibrige montrent l’unité de la langue d’Oc, mais la préface de l’édition de 1785 du Dictionnaire Languedocien- Français de l’abbé de Sauvages atteste qu’elle était un enjeu auparavant.

Langue d'Oc

Dictionnaire Languedocien-Français de l’abbé de Sauvages
Dictionnaire Languedocien-Français de l’abbé de Sauvages

La langue et sa reconnaissance

De Sauvages consacre son dictionnaire à la variante languedocienne, mais il affirme l’unité de l’ensemble de la langue dans l’espace comme dans le temps. Il est pourtant gêné pour nommer la langue moderne.
La fin du XVIIIème s. est une époque charnière. Avec les Lumières, puis le début de l’époque industrielle, on applique l’esprit scientifique à l’histoire, aux textes, à la langue elle-même. On remet en usage l’appellation langue d’Oc (nullement traditionnelle, car pratiquement abandonnée depuis Dante) …mais uniquement pour la langue ancienne, que l’étude et l’édition de textes rendent présente, de mythique qu’elle était auparavant.
L’appellation traditionnelle de la langue moderne était gascon, depuis Henri IV (Molière : « une Gasconne de Pézénas » – près de Béziers) ou plutôt idiomes gascons, parlers gascons, patois gascons… : car on cherchait à nier à toute force l’unité, la spécificité et l’égalité de nature de la langue d’Oc moderne avec le français.
Pourquoi ? Parce qu’on croyait naïvement qu’une langue est « d’un roi » et « de la Cour », et les dialectes « des provinces » et « du bas peuple ». Une « langue » devait forcément avoir les attributs du pouvoir : l’usage officiel,
la capitale, l’usage écrit, une grande littérature, un usage international. Les « dialectes » provinciaux étaient forcément « dégradés » par les usages du « bas peuple », oraux par nature, « locaux » et « non réglés ». Les a priori politiques et sociaux interdisaient de reconnaître la langue d’Oc contemporaine dans son unité et sa nature.
Discours sur l’universalité de la langue française de Rivarol (1784) : « [En France], les patois […] sont abandonnés aux provinces et c’est sur eux que le petit peuple exerce ses caprices, tandis que la langue nationale est hors de ces atteintes. […] Les styles sont classés dans notre langue comme les sujets dans notre monarchie. […]
Racine et Boileau parlent un langage parfait dans des formes sans mélange, toujours idéal, toujours étranger au peuple qui les environne. » La langue « nationale » n’est pas celle du peuple : c’est celle de ses maîtres.
La « langue » (le « français »), élaborée par les lettrés (issus des catégories dominantes et pour leur service) est un sous-dialecte social, forme du dialecte francilien travaillée depuis des siècles pour être différente de la forme de langue des gens de la rue, et consacrée par l’usage écrit.
L’orthographe du français résulte en partie de cette volonté de différenciation (et pas seulement de l’évolution atypique de la phonologie du français).
L’Académie française (créée par Richelieu, homme du pouvoir) désire suivre « l’orthographe qui distingue les gens de lettres d’avec les ignorants et
les simples femmes. » (Dictionnaire de l’Académie). Ce n’est qu’une des manifestations de la coupure recherchée par rapport à la langue réelle de la
population dans la zone du français. La bourgeoisie a récupéré ce français de pouvoir, et quand, pour les besoins de l’ère industrielle, elle a démocratrisé l’instruction, elle l’a érigé en modèle pour le peuple, non par volonté démocratique, au contraire : comme moyen de sélection.
L’idéologie langue française=« unité »+« universalité »+« modernisme ») opposée à langue d’Oc=« diversité »+« localisme »+ « passéisme » est un besoin du nationalisme français. « Explication » : la prétendue « dégradation » de la langue d’Oc. C’est comparer ce qui n’est pas comparable : une forme officielle de langue, écrite et enseignée, et les formes orales d’une langue infériorisée. Avant les effets de l’ère industrielle, le français dans sa réalité parlée était aussi diversifié que la langue d’Oc et avait autant évolué qu’elle. Il continue. Le français réel n’est pas celui de l’Académie.

La reconnaissance de l’unité de la langue d’Oc a été le grand enjeu du XIXème siècle.

Ce sont les Provençaux qui l’ont gagné

De Sauvages ajoute : « [De cette consanguinité] il résulte que non seulement le provençal mais généralement tous les idiomes gascons [=les parlers] de nos provinces méridionales sont du ressort de ce dictionnaire ; et qu’ils viendront comme naturellement se ranger sous le titre qu’il porte si un amateur intelligent et zélé veut un jour prendre la peine de les y rassembler. » Ces « amateurs » seront deux, le Provençal Honnorat, soixante ans après, puis le Provençal Mistral, quarante ans plus tard – assez « intelligents » et « zélés » pour « prendre cette peine » : plusieurs dizaines d’années de travail pour l’un comme pour l’autre. Ces mots ont un sens fort.

Le DVD de Claude VERNICK « Bal(l)ade occitane » en vente

Autriche et Pays d’Oc diffuse l’excellent DVD de Claude VERNICK « Bal(l)ade occitane ».
Prix : 18€ + 2€ d’expédition.

Bal(l)ade occitane
Bal(l)ade occitane

Témoignages

Cher ami,

Comment pouvais-je penser au temps de la Louve que votre talent extrairait le suc d’Occitanie comme on presse un fruit. C’est beau, c’est pétri d’allegresse et de jeunesse. Vous m’en voyez reconaissant à vous et fier pour mon pays. Vous représentez les effets d’un moment (les années 60) où à ma génération savante succédait un sentiment de renaissance printanière. Merci donc. Vous allez aux racines de ma joie d’engagement. Comment ne pas recevoir en message la belle apparition de Rosina de Peira.

Mon amitié

Robert Lafont

(Félicitations de moi aussi, qui ai tapé ce message sous la dictée de Robert – Fausta)
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Lo DVD de Claude Vernick

Bal(l)ade occitane, de Claude Vernick, es un documentari que comprendrà tres «episòdis». Presenta las personalitats, los gropes, las manifestacions, los endreches que cómptan dins la cultura occitana actuala e que manifèstan l ‘identitat del país nòstre.
Vernick a l’ambicion de presentar una Occitània a l’encòp una e divèrsa. (El ditz «unitaire et multiple».) Las invitablas danças folcloricas, los cantaires, los politicians, los qu’escrívon de libres : tot aquò representa qualques aspèctes d’una realitat nòstra plan mirgalhada.
Dins l’Episòdi 1, que ven de sortir (es un DVD de 60 minutas) se pòdon veire un fum d’actors de la «vida occitana» de l’ora d’ara, de l’immens escrivan Robèrt Lafont a l’òme politic Jean-Michel Baylet (president del Conselh general del Tarn e Garona) en passant pel cantaire Claudi Martí, lo director del Collègi d’Occitània Jòrdi Passerrat o la contaira Maria-Odila Dumeaux.
Los imatges son d’una qualitat estetica excepcionala.
Claude Vernick fa, dins aquel documentari, una promocion plan eficaça de las fòrças culturalas occitanas ambe un professionalisme que cal saludar.

Jacme Taupiac de Montalban

Vente aux associations, minimum 10 CD vendus à 14€ l’unité, ce qui donne une possibilité à chaque diffuseur associatif de gagner 4€ par DVD.

Contact : Robert Linas

Autriche et Pays d’Oc
1595 Route de Bellegarde – 82230 Léojac
Tél. : 05 63 64 57 27 ou 06 71 00 29 25
Courriel : journalrobert@wanadoo.fr