La croisade lancée contre les Albigeois par le souverain pontife, Innocent III dès 1208 est très active en Terre d’oc depuis le sac de Béziers du 22 juillet 1209, et par la prise de Carcassonne le 15 août 1209, puis par la chute de Minerve le 22 juillet 1210, où l’armée du Christ organise un bûcher pour 180 hérétiques. La conquête se poursuit par la prise de Termes le 23 novembre 1210, après trois mois de siège. Enfin pour cette année 1210 dans le Carcassès, se sont, les chutes des places fortes d’Alayrac, de Pennautier, de Bram, etc.
À Carcassonne, le jeune vicomte Raimond-Roger, dit : « Trencavel » est trouvé mort dans son cachot, le 10 novembre 1209, et Simon de Montfort se voit investi des terres de la vicomté. L’usurpation de la Terre d’oc n’en est qu’à ses débuts, car les légats du pape ne s’arrêtent pas là, ils « s’acharnent » sur le comte du Toulouse, Raimond VI, afin de lui faire prêter le serment de paix et de foi. Les reproches qui lui sont faits ouvertement, portent sur quatre chefs d’accusation : « Il doit chasser les hérétiques de ses terres, combattre leurs protecteurs, puis il doit se justifier sur l’assassinat commis par un de ses sergents à Saint-Gilles, contre le légat du pape, Pierre de Castelnau, le 15 janvier 1208, enfin il ne doit plus avoir de routiers à son service ; alors que l’armée du Christ les utilise » !
Rapidement, voici quels sont les événements du début de la croisade menée contre les Albigeois. L’année 1211, commence par la conférence de Narbonne où les légats montent un complot contre Raimond VI. Et les conditions qui lui sont imposées, sont inacceptables, le comte se retire sans saluer le légat Arnaud Amaury, qui n’en demandait pas tant pour excommunier le comte de Toulouse, le 6 février 1211. En fait, la croisade perd de son aspect spirituel pour rentrer dans le domaine du pouvoir temporel, car dès cet instant, se sont les terres du comté de Toulouse, qui sont visées. Cependant une médiation du roi d’Aragon de Pierre II, pour protéger le comte de Foix Raimond-Roger sera tout juste acceptée par les légats.
Pendant ce mois de février 1211, Raimond VI se déplace dans tout son comté, pour faire connaître à ses sujets la charte que le concile de Narbonne, lui impose. Les hommes de la Terre d’oc déclarent : « Qu’ils préfèrent mieux être tous tués que souffrir de cette grande honte ». Mais le 17 avril 1211, le pape confirme l’excommunication de Raimond VI, ordre est donné aux prélats de la faire exécuter et d’user de rigueur contre les villes, les habitants qui refusent de se soumettre à l’autorité de l’Église romaine.
L’usurpation du comté de Toulouse peut alors commencer, l’armée du Christ a le feu vert de son chef spirituel, Innocent III. Cependant, sentant les nuages noirs s’amonceler sur son comté, Raimond VI convoque tous ses vassaux et appelle tous ses seigneurs à se battre. Répondent à cet appel, les comtes de Foix, Raimond-Roger et son fils Roger-Bernard II, ainsi que le comte Comminges Bernard IV, et le vicomte de Béarn, Gaston IV, avec de nombreux chevaliers méridionaux.
Coté croisés, Simon de Montfort vient de recevoir des renforts menés par des prélats du Nord. La conquête du comté de Toulouse peut alors militairement commencer, et vers la mi-mars 1211, c’est Cabaret qui tombe. De là, Montfort se dirige vers Lavaur au mois d’avril 1211. Lavaur est le refuge de parfaits, d’hérétiques et de fugitifs, que les atrocités des croisés ont amené par peur dans cette ville, sous la protection de la châtelaine Dame Guiraude (de Laurac) et de nombreux chevaliers faidits, dépossédés de tous leurs biens, aux ordres de Aimery de Montréal (frère de Guiraude).
Les croisés commencent le siège de Lavaur, lorsqu’un impressionnant contingent de renfort d’Allemands, de Frisons, et de pèlerins, arrive de Carcassonne. Avant d’atteindre Lavaur, ces croisés font une halte aux abords de Montgey : « Dont la plaine est couvertes de tentes, le campement est immense ». Lorsque Jourdain de Roquefort, seigneur de Montgey, envoie un messager à Toulouse, prévenir Raimond VI, et le comte de Foix. Ils choisissent le lieu où doit se dérouler une attaque surprise. Le 3 avril 1211, c’est « l’embuscade » de Montgey avec le massacre de 6 000 croisés. Puis le comte de Foix, Raimond-Roger s’en retourne à Toulouse avec un important butin.
Simon de Montfort est informé de ce désastre, il suspend pour un moment le siège de Lavaur afin de se rendre à Montgey ; il ne peut que constater les dégâts. De retour devant Lavaur, et pour venger les « innocents » de Montgey, Montfort fait reprendre la technique déjà utilisée lors des sièges précédents. Le 3 mai 1211, le travail des sapeurs permet d’ouvrir une brèche dans les fortifications de Lavaur, dans laquelle s’engouffrent aussitôt les assiégeants. La résistance devient inutile, c’est le sac de Lavaur. Les 80 chevaliers sont passés au fils de l’épée, tandis que Dame Guiraude est livrée aux soldats du Christ. Mais son long calvaire n’est pas pour autant terminé, elle est jetée dans un puits, vivante « en travers » et par la suite elle est recouverte de pierres. Puis un grand bûcher est allumé sur les bords de l’Agout où 400 hérétiques seront livrés aux flammes. Après Lavaur, Montfort retourne à Montgey, qu’il trouve désert, et qu’il fait détruire.
De Montgey, les croisés vont prendre Puylaurens, Les Cassès (près de Castelnaudary) où 90 âmes sont brûlées, puis Montferrand, Castelnaudary tombent à leur tour. L’atroce barbarie de l’armée papale est-elle, que de nombreuses villes, villages, châteaux sont abandonnés sans combat. Partout la croisade épouvante. À peine est-elle en vue que les gens fuient les cités ; ainsi tombent début juin 1211, les villes de : Rabastens, Gaillac, Lagrave, Cahuzac (-sur-Vère), Saint-Marcel, Laguépie, Saint-Antonin (-Nobleval), Bruniquel, Puycelci, Montgiscard (le 15 juin 1211), « Sans armes, sans écu ». Montfort ne passe pas à Montaigut (en Albigeois), puisque ce site semble être déjà tenu par une forte garnison de croisés.
Le 17 juin 1211, c’est le premier siège de Toulouse. Les comtes de Toulouse, de Foix et de Comminges, ainsi que le vicomte de Béarn organisent la défense de la ville, et les Méridionaux réalisent quelques sorties dans le camp des croisés. Après quelques jours d’efforts infructueux, Montfort lève le camp, les croisés s’enferment dans Castelnaudary.
Alors, l’armée méridionale quitte Toulouse pour faire le siège de Castelnaudary. En ce lieu, se déroule une grande bataille en septembre 1211, qui aurait pu changer le cours de l’histoire de la Terre d’oc. Hélas les Méridionaux sont vaincus. Mais des messagers vont porter la nouvelle que les croisés sont défaits et que Raimond VI est vainqueur. Dans l’Albigeois c’est le début d’un soulèvement contre les garnisons des croisés. À Rabastens, à Gaillac on accueille ces messagers à grands cris de joie. Tandis qu’à Lagrave, on assassine le chef de la garnison, Pons de Beaumont.
De Castelnaudary, les trois comtes et le reste de l’armée méridionale arrivent à Rabastens, qui ouvre aussitôt ses portes. Raimond VI est accueilli avec gloire à, Gaillac, Lagrave, Cahuzac (-sur-Vère), Saint-Marcel, Laguépie, Puycelci, …, chevauchant sans repos le comte de Toulouse reprend bientôt tout l’Albigeois.
Entre temps, Montfort essaie de prendre les trois comtes de vitesse à Montaigut, mais c’est en vain, car il est informé en cours de route, que la garnison vient de se rendre. En effet, les habitants ont forcé la garnison à se retirer dans le château, qui se voit assiégé. Aussitôt, Montaigut se soumet au comte de Toulouse Raimond VI.
L’hiver 1211, ralenti les hostilités, ce qui n’empêche pas, l’armée du Christ à reconquérir en décembre 1211, Les Touelles (près de Briatexte) où Simon de Montfort en fait un charnier.
Par la suite tout le pays Albigeois sera reconquis par les croisés dès les premiers mois de l’année 1212. Mais cela est une autre histoire à commenter pour l’année 2012.
Voilà ce qui s’est passé il y a 800 ans dans le Pays Albigeois, et ces événements donneront lieu très certainement à des commémorations des sites concernés au cours de l’année 2011.
Gérard Veyries